Quel statut pour la Catalogne ?

La situation en Catalogne est, pour le moment, bloquée. Après le référendum d’autodétermination du 1er octobre 2017 puis la proclamation d’indépendance du 27 octobre de la même année, aussitôt suivie de la mise sous tutelle de la région par le gouvernement de Madrid, les élections régionales du 21 décembre ont donné une majorité aux indépendantistes. Il appartient au Parlement sorti des urnes d’élire le nouveau président de la Généralité de Catalogne. Carles Puigdemont, président sortant, exilé en Belgique, a renoncé à demander le renouvellement de son mandat. C’est le numéro 2 de sa liste, Jordi Sanchez, en détention provisoire pour délit de sédition, qui est désormais le candidat des indépendantistes. Toutefois, la justice refusant de le remettre en liberté, le Parlement a décidé d’ajourner la séance d’investiture, prévue le 12 mars. Le 11 mars, plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Barcelone. Le 18 mars, ce sont des milliers d’anti-indépendantistes, parmi lesquels l’ancien premier miistre français Manuel Valls, qui se sont mobilisés dans la capitale catalane. La question du statut de la Catalogne, souvent mis en parallèle avec celui du Pays basque, reste au centre des débats.

Basques et Catalans
montage eurosorbonne et AFP

Depuis le début de la crise catalane, le bras de fer entre les indépendantistes et le gouvernement de Madrid a suscité de toutes parts commentaires et analyses, parfois très fantaisistes, autour du statut d’autonomie de la région et, par comparaison, de celui du Pays Basque. On a cherché en particulier à évaluer les différences qui existent entre les institutions des deux territoires, qui constituent deux des dix-sept « communautés autonomes » reconnues par l’Etat mais qui sont aussi les principales « nationalités historiques » de l’Espagne.
Dans leur ensemble, et bien que juridiquement ils aient beaucoup évolué, les deux statuts, selon la Constitution de 1979, présentent de nombreux points communs. Le statut basque prévoit le transfert à la région de compétences exclusives dans trente-six domaines relevant de la « législation de base » de l’Etat : planification de l’activité économique ; ordonnancement du crédit, banque et assurances ; réserves de fonds publics ou services essentiels ; régime minier et énergétique ; contrats et concessions administratives ; communications ; santé et sécurité sociale ; presse écrite et audiovisuelle ; et l’application des droits et des devoirs constitutionnels. Les compétences exclusives en matière d’éducation sont également transférées « sans autre limitation que le respect des principes de la Constitution ». Dans le statut catalan, les mêmes trente-six domaines sont transférés d’une manière exclusive à la Generalitat, avec des nuances dans le domaine de la santé et la sécurité sociale.
Les compétences des polices autonomes respectives font également parties des attributions communes. On peut néanmoins signaler une légère différence : toute intervention de l’Etat dans le maintien de l’ordre public au sein de la Catalogne ou du Pays Basque par l’Etat doit être préalablement approuvée, dans le premier cas, par le Sénat, à la majorité absolue et, dans le second, par la Junta de Seguridad (Junte de Sécurité), à la majorité des deux tiers. En ce qui concerne la Catalogne, la Junta de Seguridad n’intervient qu’à titre consultatif.

Différences dans les moyens de financement

Les différences les plus notables entre ces deux statuts se situent dans la régulation des moyens de financement des communautés autonomes respectives. La Constitution énumère l’ensemble des ressources de chaque communauté, parmi lesquelles figurent les recettes fiscales, dont la perception peut être cédée partiellement ou dans son intégralité à l’administration autonome. Mais elle se borne à indiquer que la part assignée à chacune dans le budget général de l’Etat le sera en fonction du volume de services que l’Etat aurait assumé dans celle-ci et de l’apport d’un minimum garanti aux prestations de services publics de l’Etat pour l’ensemble du territoire espagnol.
Dans le cas du Pays basque, tous les impôts sont perçus par le gouvernement autonome, comme le prévoit le « Concierto Economico » ou système de financement propre à cette communauté autonome, régulant les relations financières et fiscales entre celle-ci et l’Etat. Il a été adopté en remplacement du « régime foral », né d’un accord historique remontant au Moyen-Âge et aboli en 1876, par lequel la Couronne de Castille s’engageait à respecter les institutions et l’organisation propres aux nouveaux territoires annexés et à les exempter du payement des impôts. Depuis cette date, l’administration basque rétrocède donc à l’Etat espagnol une somme fixée d’un commun accord pour sa participation au coût des services publics non transférés par ce dernier à la communauté autonome (infrastructures, défense, affaires étrangères, frais de la famille royale…).
Le Catalogne, en revanche, relève du « régime commun » né de la Constitution de 1979. C’est l’Etat qui lui fournit les moyens financiers pour couvrir le coût de fonctionnement des compétences qui lui ont été transférées. Certes, la Catalogne a eu aussi ses « Fueros », supprimés en en 1716 et jamais récupérés, et ses dirigeants ont eu entre leurs mains la possibilité d’obtenir un « Concierto Economico » similaire à celui du Pays basque mais cela ne s’est pas fait, pour des raisons chaque fois différentes : soit ils n’ont pas osé franchir le pas pour le demander (1979, 1999 et 2002), soit ils ont considéré que le moment n’était pas politiquement opportun (1983), soit, comme le 20 septembre 2012, il leur a été refusé.
L’ATC (Agencia Tributaria de Cataluña) perçoit et gère notamment, en tant que contributions propres, la taxe d’habitation hôtelière, les taxes sur les grandes surfaces commerciales, sur les logements vides, sur les émissions de gaz et particules dans l’atmosphère ou la taxe de contribution à la protection civile. Par ailleurs, transférés par l’Etat, elle perçoit et gère les impôts relatifs au patrimoine, à sa transmission, aux successions et donations.
Les compétences déléguées à la Catalogne sont nombreuses. La police, l’éducation, la santé, entre autres, témoignent d’un degré élevé d’autonomie. Selon l’historien Benoît Pellistrandi, « la Catalogne est autonome sur pratiquement tout, à part quelques compétences relatives à la nation restées régaliennes », comme la défense et la diplomatie. Par rapport au Pays basque, il lui manque surtout le contrôle de la fiscalité.