Syrie : François Hollande conforté ou affaibli ?

Chaque semaine, l’équipe de Boulevard-Extérieur commente ici un événement de politique internationale.

Il y a au moins deux manières de juger l’action de François Hollande à l’égard de la Syrie au cours des dernières semaines. Soit on estime qu’il a bien manœuvré en annonçant des frappes contre le régime de Damas pour le « punir » de l’emploi d’armes chimiques et en arrachant aux Russes, par cette menace, combinée à celle des Etats-Unis, l’amorce d’une solution politique. Soit on considère qu’il s’est engagé imprudemment dans une escalade verbale qui, après le retrait britannique et le revirement américain, l’a laissé diplomatiquement esseulé, avant que la Russie ne lui offre une illusoire porte de sortie en proposant un plan improbable de mise sous tutelle des armes chimiques syriennes.

Dans le premier cas, on louera tout à la fois sa détermination et son habileté, on lui saura gré d’avoir tenu bon face aux sceptiques et aux résignés, au nom d’une morale exigeante tenant pour inacceptable l’emploi de gaz toxiques en violation du droit international, on rendra hommage à sa lucidité et à la fermeté de son engagement international. Dans le second cas, on lui reprochera son ardeur de va-t-en guerre irresponsable en même temps que sa maladresse diplomatique, on lui tiendra rigueur de s’être mis à la remorque des Etats-Unis avant de se faire piéger par la Russie, on soulignera son isolement en Europe et sa faiblesse dans le monde, on s’inquiétera de son « amateurisme » en politique étrangère.

Entre ces deux interprétations, qui contiennent l’une et l’autre une part de vérité, chacun tranchera, avec plus ou moins de nuances, selon ses convictions, son appartenance politique, sa sympathie ou son antipathie envers le personnage. Les deux camps pourront peut-être s’entendre au moins sur quelques points.

Le premier est la volonté d’action manifestée par François Hollande. Une partie de l’opinion, y compris à gauche, a réagi négativement à l’idée d’une expédition punitive décidée unilatéralement, ou presque, par la France hors du cadre des Nations unies. Il n’empêche que François Hollande a choisi, à la différence de ses partenaires européens, d’affirmer la présence de la France sur la scène internationale, y compris, si nécessaire, par la force, comme il l’avait fait au Mali, comme Nicolas Sarkozy l’avait fait en Libye.

Cet engagement est conforme à une certaine idée de la France, comme aurait dit le général de Gaulle. Il est à porter au crédit de François Hollande. Les frappes auraient-elles eu lieu si le Congrès américain avait donné son feu vert à Barack Obama et si la Russie n’avait pas interrompu le processus par sa proposition inattendue ? Probablement. Il est difficile de croire que les menaces franco-américaines ne visaient qu’à forcer l’ouverture d’une négociation. L’intention était bien de « punir » le dictateur syrien. Le mot était sans doute malheureux. Mais l’affirmation selon laquelle l’emploi d’armes chimiques constitue une ligne rouge à ne pas franchir est plutôt un progrès.

Deuxième constat : l’isolement de la France en Europe. On peut sans doute mettre en accusation la prudence de la chancelière allemande, la pusillanimité des parlementaires britanniques, le silence des autorités bruxelloises. Mais on n’a pas vu non plus, il est vrai, le président français s’activer beaucoup, comme le faisait naguère Nicolas Sarkozy, pour tenter d’associer les Européens à ses initiatives ou pour inciter Vladimir Poutine à plus de souplesse. La France a misé sur l’action militaire plutôt que sur l’action diplomatique. Elle s’est ainsi coupée de ses partenaires. Il a fallu le geste de Moscou pour que la question revienne devant les Nations unies.

Troisième observation : la donne a changé depuis l’initiative russe. Au final seul le résultat comptera. Beaucoup reste à faire pour que la proposition de Vladimir Poutine, approuvée par Bachar el-Assad, entre dans les faits et soit autre chose qu’un rideau de fumée destiné à masquer le recul franco-américain. Les négociations seront difficiles, les Etats-Unis et la Russie y tiendront le premier rôle. Une fois de plus va se poser la question du poids de l’Union européenne dans les affaires du monde. Il appartient à François Hollande, au lendemain des élections allemandes, de tenter de relancer la diplomatie européenne. Mais, qu’il l’ait voulu ou non, c’est bien lui qui, avec Barack Obama, a provoqué l’ouverture du dialogue entre les Etats sur l’avenir de la Syrie.