Tony Blair avait une « vision en tunnel » sur l’Irak, révèle Peter Mandelson

Peter Mandelson, l’éminence grise du Labour, qui fut conseiller (et deux fois ministre) de Tony Blair avant d’entrer à la chambre des Lords et de passer dans le camp de Gordon Brown, vient de publier ses mémoires intitulés « Le troisième homme ». Source : The Guardian, 16 juillet 2010. 

Le « prince des ténèbres », comme le nomment ses collègues travaillistes, irrités d’une telle sortie à quelques semaines de l’élection du successeur de Gordon Brown à la tête du Labour, révèle notamment que Tony Blair développait envers l’Irak une « vision en tunnel » et n’avait rien prévu pour le lendemain des hostilités, dans la conviction que la reconstruction du pays devait entièrement reposer sur les Etats-Unis. Se faisant l’écho, explique-t-il, de l’inquiétude profonde que suscitait l’invasion de l’Irak chez les plus proches alliés de Tony Blair, Mandelson affirme qu’il a alerté plusieurs fois l’ancien Premier ministre sur les retombées du conflit et sur le sentiment des musulmans qui, dans le monde, étaient nombreux à ne pas voir de rapport entre les attentats de 11 septembre 2001 à New York et Washington et l ’invasion de l’Irak. « Pour l’amour de Dieu, aurait répondu Blair, passez-vous donc tout votre temps en compagnie de George Galloway [le très médiatique fondateur du Parti du Respect, qui s’est fermement opposé à la guerre en Irak en 2003 et a accusé George Bush de crimes de guerre contre ce pays, ndlr] ? ».

Cette réaction, explique l’ancien Commissaire européen au Commerce, montre à quel point la question irakienne était écrasante : "They led to a kind of tunnel vision, which got in the way of his dealing thoroughly with some of the political nuances, and practical implications, of the campaign against Saddam. As military preparations intensified, those who had reservations of the sort I had raised were lumped together in his mind with anyone who felt he wasn’t 100% on board. The distinction between the two became blurred in Tony’s mind."

Quelques mois plus tard, en 2003, Mandelson, écrit ce dernier, mettait Blair au défi de prévoir ce qui se passerait après l’élimination de Saddam Hussein. « Vous pouvez y aller, vous pouvez enlever Saddam, mais que ferez-vous de l’Irak ? Vous allez avoir un pays entre vos mains. Je ne sais pas quels sont vos projets. Je ne sais pas comment vous allez les mener. Qui va gérer la situation ? ». Blair aurait répondu : "That’s the Americans’ responsibility. It’s down to the Americans."