Trump-Merkel : les désaccords continuent

Retardée par une tempête de neige sur la côte est des Etats-Unis, la visite d’Angela Merkel à Washington a eu lieu le vendredi 18 mars. Cette première rencontre entre la chancelière allemande et Donald Trump a montré le fossé qui sépare les Européens et le nouveau président américain. Celui-ci est attendu pour son premier voyage en Europe au mois de mai à l’occasion du G7 en Sicile.

Angela Merkel et Donald Trump
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Malentendu ou mauvaise volonté ? La scène est en tous cas significative du climat dans lequel a eu lieu la première rencontre Merkel-Trump à Washington. Assise à côté du président américain dans un bureau de la East wing de la Maison blanche, la chancelière allemande a proposé à son hôte une poignée de mains pour les caméras qui leur faisaient face. Donald Trump n’a pas bronché.
Son porte-parole a expliqué ensuite que le président n’avait pas entendu la suggestion de la chancelière. Mais n’était-ce pas plutôt un signe de mécontentement. En recevant le premier ministre japonais Shinzo Abe, Donald Trump lui avait longuement serré la main et les observateurs avaient été surtout frappés par l’image du président et de Theresa May se promenant main dans la main sous les colonnes de la Maison blanche. Le président américain était de toute évidence plus à l’aise avec la première ministre britannique qui met en œuvre le Brexit, qu’avec la chancelière allemande qui s’est permis de lui rappeler les valeurs communes le jour même de son élection.

Trois contentieux

Avec cette dernière, il a au moins trois contentieux. Il ne les a jamais cachés : la politique vis-à-vis des réfugiés, le libre-échange et l’OTAN. Pendant la campagne électorale, celui qui veut construire un mur continu à la frontière avec le Mexique a qualifié d’erreur « catastrophique » l’accueil en Allemagne de plus d’un million de réfugiés syriens et irakiens à la fin de 2015. Lui, au contraire, s’efforce de les bannir des Etats-Unis malgré les juges américains qui retoquent ses décrets les uns après les autres.
Devant Angela Merkel qui était accompagnée d’une délégation d’industriels allemands, Donald Trump a assuré qu’il n’était ni protectionniste ni isolationniste. Il n’en a pas moins réitéré son slogan « America first ». Les milieux d’affaires allemands restent inquiets des projets du président concernant la levée de droits de douane sur les importations et plus généralement sa remise en cause du libre-échange dont l’économie allemande a profité au cours des dernières décennies.
Angela Merkel serait même favorable à la reprise des négociations sur la zone de libre-échange atlantique (TAFTA), critiquée en Europe et gelée depuis l’élection présidentielle américaine. Donald Trump n’en pas dit un mot mais opposant une fin de non-recevoir à la zone de libre-échange dans le Pacifique négociée par son prédécesseur, au risque de laisser le champ libre à la Chine, il a montré son peu d’intérêt pour la libéralisation du commerce.
Le troisième sujet d’inquiétude a trait à la sécurité internationale et au rôle de l’Europe. Les dirigeants allemands sont à moitié rassurés par le fait que le rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine ne semble plus être à l’ordre du jour prioritaire de Donald Trump. Mais ils n’oublient pas ses mises en causes de l’OTAN – jugée « obsolète » — ou de l’Union européenne, machine de guerre commerciale contre les intérêts américains, selon le président. Or l’OTAN et l’UE sont deux fondements de la politique étrangère allemande depuis plus d’un demi-siècle et plus profondément le socle du retour de l’Allemagne dans la communauté des nations démocratiques après la tragédie nazie.
Officiellement le discours de Donald Trump s’est quelque peu adouci. S’il trouve toujours que le Brexit est une chose « extraordinaire », il ne parle plus avec indifférence d’une éventuelle dissolution de l’UE. Il se dit maintenant attaché à l’OTAN. Début février, il a envoyé son vice-président Mike Pence le dire aux spécialistes de la sécurité réunis à la conférence annuelle de Munich. Optimistes, les Allemands voient fans le fait que le président américain insiste pour que les alliés respectent leur engagement de dépenser 2% de leur PIB pour la défense une preuve qu’il tient à l’OTAN.

Diplomate ou trublion ?

Il n’en reste pas moins qu’à peine Angela Merkel avait quitté Washington le président s’adonnait à son passe-temps favori, l’envoi d’un tweet peu diplomatique : « L’Allemagne doit de vastes sommes d’argent à l’OTAN, pouvait-on y lire. Et les Etats-Unis doivent être payés pour la défense solide et coûteuse qu’ils accordent à l’Allemagne. » Comme quoi les assurances données par la chancelière sur les efforts de son pays pour augmenter son budget militaire et sur ses engagements en faveur de la stabilité dans le monde, ne semblent pas avoir convaincu Donald Trump.
A son sujet la question revient sans cesse : parviendra-t-il à endosser le costume de président ou restera-t-il l’animateur de TV-réalité ? Lors de la conférence de presse commune avec la chancelière, il a donné l’impression d’avoir été bien préparé pour répondre aux questions parfois pointues des journalistes allemands.
Mais il n’a pu s’empêcher de terminer sur une de ses sorties qui ont fait sa (bonne ou mauvaise) réputation. Evoquant les écoutes dont il se dit victime de la part de Barack Obama, il a déclaré se tournant vers Angela Merkel : « nous avons au moins quelques chose en commun », allusion à l’écoute du portable de la chancelière par la NSA. La chancelière n‘en est pas revenue d’être prise à témoin dans une polémique partisane, où Donald Trump n’arrive même pas à avoir le soutien des élus républicains pour étayer ses accusations.