UE : un commissaire britannique contre le terrorisme

Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a choisi de confier au nouveau commissaire britannique le portefeuille de la sécurité, autrement dit de la lutte contre le terrorisme. Sir Julian King, qui quitte son poste d’ambassadeur à Paris, devra appliquer le programme européen en matière de sécurité adopté par la Commission il y a un an. Il aura pour mission de renforcer la coopération entre les Etats membres dans des domaines tels que le combat contre la radicalisation, la répression du trafic d’armes ou l’action contre la cybercriminalité.

Sir Julian à l’Assemblée nationale française après l’assassinat de la députée Jo Cox

L’ambassadeur du Royaume-Uni en France, Sir Julian King, n’aura pas exercé longtemps son mandat parisien. Nommé à ce poste en janvier 2016, le voici qui, six mois plus tard, accède à la fonction de commissaire européen chargé de la sécurité. Son prédécesseur à Bruxelles, Jonathan Hill, qui était chargé des services financiers, a estimé en effet qu’au lendemain du vote britannique en faveur du « Brexit » il ne pouvait pas continuer « comme si rien ne s’était passé ». Il a donc remis sa démission au président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui l’a remplacé, à la demande de David Cameron, alors premier ministre, et sous réserve de l’accord du Parlement et du Conseil, par Sir Julian King.

Toutefois, au lieu de confier au nouveau commissaire le même portefeuille qu’à son prédécesseur, comme c’est l’usage, le président de la Commission a décidé de créer pour lui un portefeuille inédit, qu’il a baptisé « union de la sécurité ». Ce domaine est couvert, dans l’actuelle Commission, par le commissaire pour la migration et les affaires intérieures, le Grec Dimitris Avramopoulos, qui a notamment sous sa responsabilité, outre les questions migratoires, la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, ainsi que la lutte contre le crime organisé. Le travail de Sir Julian King viendra « en appui et en complément » de celui de son collègue grec, sous la supervision du premier vice-président, le Néerlandais Frans Timmermans.

Endiguer la radicalisation

Le nouveau commissaire devra contribuer à l’application du programme européen en matière de sécurité adopté par la Commission en avril 2015. Ce programme vise, pour l’essentiel, à améliorer l’échange d’informations et la coopération entre les Etats membres sur quelques « actions-clés » visant à « endiguer la radicalisation », à « faire face au phénomène des combattants étrangers », à « tarir les ressources financières des criminels », à « lutter contre le trafic illégal des armes à feu », à « renforcer les outils de lutte contre la cybercriminalité ». « L’UE peut et doit fournir le cadre et les instruments qui conviennent pour ce faire mais ce qui fera la différence c’est la manière dont les Etats membres les utiliseront », affirmait alors Frans Timmermans.

Le vice-président de la Commission invitait les Etats membres à agir ensemble « dans un esprit de confiance mutuelle ». Il leur demandait de « penser européen » et d’« agir européen », ajoutant : « Il est temps que les Européens coopèrent mieux et plus étroitement pour veiller à la sécurité des citoyens ». Frans Timmermans soulignait la volonté de la Commission de favoriser des actions conjointes contre le terrorisme et de « renforcer les capacités collectives » de l’Union. Il appelait à un « changement radical » à l’échelon des Etats membres et de leurs autorités chargées de faire respecter la loi. « Bien que la sécurité soit une responsabilité qui incombe en premier lieu aux Etats membres, affirmait-il, les menaces transnationales telles que le terrorisme ne peuvent être gérées efficacement si une approche européenne commune n’existe pas ».

Une expérience bruxelloise

Francophile et francophone (il a été élève à l’ENA et possède une maison dans le Gers), Sir Julian King, qui aura 52 ans le 22 août, connaît bien les rouages des institutions bruxelloises au sein desquelles il a travaillé de 2004 à 2009, d’abord comme représentant permanent de son pays auprès du Comité politique et de sécurité (COPS), ensuite comme chef de cabinet du commissaire au commerce extérieur, Peter Mandelson puis Catherine Ashton, avant d’être nommé ambassadeur en Irlande. Toutefois, en dépit de son expérience diplomatique, sa tâche ne sera pas facile, ne serait-ce que parce que, comme l’a rappelé Frans Timmermans, la lutte contre le terrorisme relève de la compétence régalienne des Etats et que ceux-ci disposent déjà depuis 2007 d’un coordonnateur, le Belge Gilles de Kerchove, chargé au sein du Conseil de veiller à l’application de la stratégie européenne en matière d’antiterrorisme. Le rôle de la Commission reste secondaire dans ce domaine.

Le choix d’un Britannique pour aider à coordonner la sécurité européenne est d’autant plus paradoxal que l’idée même est très contestée en Grande-Bretagne. Cité par le quotidien The Independant, le porte-parole du parti eurosceptique UKIP pour les questions de défense, l’eurodéputé Mike Hookem, a déclaré après la désignation de Sir Julian King : « M. Juncker doit être littéralement fou s’il pense que le peuple britannique va souscrire à une union de la sécurité avec l’Union européenne. Croit-il vraiment que les bureaucrates sans expérience de la Commission européenne sont mieux placés que les services de sécurité britanniques pour assurer la sécurité de la Grande-Bretagne ? »

Le gouvernement britannique rappelle que la Grande-Bretagne entend rester un partenaire actif de l’Union européenne tant qu’elle en est membre. Il souligne que la sécurité est « un problème vital » pour tous les Etats et que la coopération au sein de l’UE peut aider à assurer la meilleure protection de tous. Il accueille donc avec satisfaction la mission confiée au nouveau commissaire. Celui-ci n’ira pas au bout de son mandat si la Grande-Bretagne sort de l’Union européenne avant l’expiration des pouvoirs de la Commission en 2019. Mais la question des relations entre Londres et Bruxelles dans le domaine de la sécurité continuera de se poser après le « Brexit ». L’UE aura toujours besoin de coopérer avec les services britanniques, dont la qualité est reconnue. Sir Julian King pourrait alors, le moment venu, faire valoir ses talents de négociateur.