Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a adressé mercredi 24 août un message de félicitation au peuple ukrainien à l’occasion du Jour de l’Indépendance. Il s’y dit convaincu que « la base multiséculaire des relations sincères de bon voisinage entre les peuples des deux pays" ne peut être détruite par les « divergences » actuelles.
Il y a six mois, le 24 février, la Biélorussie servait à Vladimir Poutine de base arrière pour envahir l’Ukraine. Ses chars et ses troupes y stationnaient pour faire des « exercices ». Le président biélorusse « a ouvert le territoire de son pays à l’armée russe pour qu’elle puisse lancer son assaut sur l’Ukraine. » écrivait la RTBE le 23 août.
Mais ce n’est pas la première fois que Loukachenko, au pouvoir en Biélorussie depuis plus d’un quart de siècle -depuis 1994-, donne à Poutine des gages de sa loyauté. L’histoire est longue. Qu’il suffise de rappeler l’instrumentalisation des migrants emmenés buter sur la frontière polonaise pour mettre l’Europe en porte-à-faux, ou celles de l’atterrissage forcé, en mai 2021, de l’avion transportant le dissident Roman Protassevitch et sa compagne, Sofia Sapega, au mépris des principes les plus élémentaires, pour les remettre au pouvoir poutinien.
Le message de félicitation du dictateur biélorusse est une bouffonnerie, a-t-on répondu de Kiev. « Croit-il qu’on ne remarque pas sa participation active aux crimes contre l’Ukraine ?", a rétorqué sur Twitter un conseiller de la présidence ukrainienne, Mikhaïlo Podoliak.
Mais pendant ce temps la Russie annexe silencieusement la Biélorusse. C’est l’éditorial de Ouest-France, le 23 août. [1]"La Biélorussie, écrit Jeanne Emmanuelle Hutin, « est en train d’être annexée sans bruit par la Russie, ce qui bouleverse l’équilibre de sécurité en Europe et accroît les menaces, y compris nucléaires. »
Alexandre Loukachenko en effet a accepté le principe d’un « traité sur la création de l’union » entre la Russie et la Biélorussie, écrit Jeanne Emmanuelle Hutin, pour assurer la convergence des législations fiscales et douanières, l’unification du marché du gaz mais aussi la coordination des actions de politiques étrangères et doctrine militaire [2]« Le dictateur a même changé la constitution du Bélarus afin de pouvoir accepter des armes nucléaires sur le sol du pays. Depuis, des missiles Iskanders seraient arrivés », poursuit Ouest-France.
C’est une menace pour l’Europe. C’est une rupture pour les Biélorusses, « qui voient l’armée russe s’implanter dans (leur) pays : « Nous considérons le Bélarus comme un pays occupé. Loukachenko l’a livré à la Russie pour attaquer […] notre voisin fraternel, l’Ukraine », déclarait la dissidente Olga Karatch, au Forum démocratique du Bélarus, qui s’est tenu à Vilnius (Ouest-France article cité).
La dissidence biélorusse ressurgit, elle qui en 2020 avait occupé la rue pour protester contre les élections truquées ayant permis au dictateur de maintenir son pouvoir.
L’opposition en Biélorussie a désormais trois formes ;
Une forme non-violente, comme la prône Olga Karatch : L’usage de la force. « ce serait une faute […]. Nous devons rester fidèles à notre principe de non-violence sinon Poutine aura gagné en changeant nos valeurs … » Ouest-France ,article cité. Mais L’opposition démocratique est affaiblie par la persécution. Les prisonniers politiques sont nombreux et beaucoup de démocrates ne voient de salut que dans l’exil.
Andreï Bastunets est un journaliste qui se bat pour faire vivre le pluralisme dans un pays s’éloignant de plus en plus des standards démocratiques. La Croix lui a consacré un article le 21 août « …je demande juste à pouvoir faire mon métier, répète le journaliste. Je veux l’exercer comme on me l’a appris à mes débuts il y a trente ans, à l’époque de la perestroïka… Bon, c’est vrai que c’était un autre siècle… »
D’autres ont choisi la force. « Les Biélorusses sont nombreux à avoir rejoint la résistance ukrainienne, tantôt en prenant les armes, tantôt en organisant des sabotages contre la dictature d’Alexandre Loukachenko, plus que jamais à la solde du Kremlin. » [3].
Les volontaires biélorusses regroupés dans le bataillon Kastous Kalinowski ont été reconnus comme régiment par l’armée ukrainienne. C’est le plus grand régiment étranger de l’armée ukrainienne. Sa base arrière est en Pologne. C’est aussi à Varsovie où à Vilius que se réfugient les opposants menacés par le dictateur biélorusse. La plupart des anciens « pays de l’Est » redoutent l’expansionnisme grand russe et l’ami de Poutine ne jouit pas d’un grand appui populaire, écrit Le Devoir. La majorité des Biélorusses n’a pas le sentiment d’appartenir à un empire qui devrait étendre ses territoires sur les pays voisins. Ils considèrent plutôt que le sort de leur pays et celui de l’Ukraine sont liés, et que se battre avec la résistance ukrainienne, c’est défendre la démocratie chez eux.