Venezuela : la recherche d’un improbable dialogue

La communauté internationale s’inquiète de l’escalade des tensions au Venezuela où le conflit entre le président Maduro et ses opposants semble dans l’impasse. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, soutient l’initiative du Mexique et de l’Uruguay, qui appellent au dialogue, mais celui-ci paraît pour le moment improbable. Au moment où Nicolas Maduro annonce un accord avec la Croix-Rouge pour une aide humanitaire, le vice-président américain, Mike Spence, demande, une fois de plus, à l’ONU de reconnaître Juan Guaido comme le président légitime.

Maduro vs Guaido
Infografia : AFP/LA PRENSA

Comment sortir de la crise qui paralyse le Venezuela où s’opposent frontalement les partisans de Nicolas Maduro, président officiel du pays, et ceux de son rival autoproclamé Juan Guaido, reconnu par une cinquantaine d’Etats ? La situation du pays est catastrophique. Le chercheur Jean-Jacques Kourliandsky, spécialiste de l’Amérique latine, soulignait, mercredi 10 avril, à l’occasion d’un débat organisé par l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), la gravité de la crise humanitaire, marquée par l’effondrement de la consommation, la « régression sociale », la « malnutrition », l’augmentation de l’indice de pauvreté, la hausse de la mortalité, l’exil de 3,4 millions de Vénézuéliens.

« Nous ne sommes pas là pour dire qui est légitime », ajoutait Geneviève Garrigos, représentante d’Amnesty, mais la question humanitaire est prioritaire : c’est à l’Etat de garantir les droits minimum en termes d’alimentation et de santé, mais aussi les droits civils et politiques, bafoués par les arrestations arbitraires, les violences, les tortures, les atteintes à la liberté d’expression et à la régularité des élections. Au-delà de la crise politique, c’est bien « une crise des droits humains » qui frappe le pays. Le dernier rapport d’Amnesty International donne de multiples exemples de ces violations, du « recours excessif à la force » ou des mauvais traitements infligés aux détenus.

Le mécanisme de Montevideo

Au moment où le conflit semble s’enliser, la communauté internationale tente d’agir, mais les Etats d’Amérique latine sont eux-mêmes divisés. Une douzaine d’entre eux, rejoints par le Canada, ont formé le groupe de Lima. Ils ont pris le parti de Juan Guaido et appelé l’armée à se ranger derrière lui. Ils rejettent toutefois l’usage de la force. Ils ont saisi la Cour pénale internationale pour qu’elle condamne « la violence criminelle » du président vénézuélien. Leur objectif est, comme le note Jean-Jacques Kourliandsky, de « contraindre le pays à une alternance politique ».

Deux Etats d’Amérique latine, le Mexique et l’Uruguay, ont choisi une autre méthode, celle de la négociation et du dialogue. Ils ont mis au point le « mécanisme de Montevideo », qui refuse d’imposer des conditions préalables aux deux partenaires et formule des recommandations pour une « sortie politique ». Cette procédure, qui suppose, selon Jean-Jacques Kourliandsky, « l’application stricte du droit international », a le soutien du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui rejette l’idée d’un coup de force contre le Venezuela. Pour Temir Porras, ancien conseiller de Hugo Chavez puis de Nicolas Maduro, aujourd’hui professeur à Sciences Po, il n’y a que deux solutions. Soit on continue dans la voie du conflit jusqu’à la victoire de l’un des camps sur l’autre, soit on conclut « un pacte de coexistence nationale démocratique ». Cette deuxième démarche est, selon lui, la seule manière de rétablir la stabilité du pays. « La seule solution, dit-il encore, est celle du dialogue ».

La campagne de Mike Spence

Pour le moment, celui-ci paraît improbable. Les Etats-Unis, en particulier, ne l’encouragent pas. Devant le Conseil de sécurité des Nations unies, réuni mercredi 10 avril pour discuter de la crise humanitaire au Venezuela, le vice-président américain, Mike Spence, qui mène la campagne au nom de Washington contre le régime de Caracas, a demandé une nouvelle fois à l’organisation internationale de reconnaître Juan Guaido comme le président légitime et de refuser les lettres de créance de l’actuel ambassadeur vénézuélien. « Vous ne devriez pas être ici », a-t-il lancé au diplomate, qu’il a invité à retourner dans son pays pour dire à Nicolas Maduro qu’il est temps pour lui de s’en aller. Le président vénézuélien a aussitôt dénoncé « l’arrogance, la suffisance, le suprémacisme racial » du vice-président américain.

Il y a quelques semaines, deux projets de résolution ont été soumis au Conseil de sécurité. L’un, présenté par les Etats-Unis, appelait au retour de la démocratie, à l’organisation d’une élection présidentielle et à l’acheminement de l’aide humanitaire. L’autre, soutenu par la Russie, condamnait les menaces de recours à la force et d’ingérence contre le Venezuela. Tous les deux ont été rejetés. Première lueur d’espoir, Nicolas Maduro vient d’annoncer, mercredi 10 avril, qu’il avait conclu un accord avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour la distribution d’une aide humanitaire. Il y a quelques semaines le président vénézuélien avait refusé l’entrée d’une aide humanitaire au nom du refus de toute ingérence extérieure. « Nous confirmons notre disposition à établir des mécanismes de coopération pour l’assistance et le soutien international », a-t-il déclaré après une rencontre avec le président du CICR.

Au-delà du ballon d’oxygène qu’apportera l’assistance de la Croix-Rouge, une négociation est-elle aujourd’hui possible entre les pro et les anti-Maduro ? La principale difficulté, explique Temir Porras, vient de l’extrême « polarisation » entre les deux camps. « Il n’y a pas de reconnaissance de la légitimité de l’autre », indique-t-il, ce qui empêche « un débat normal » entre le pouvoir et l’opposition. S’il est vrai que Nicolas Maduro a refusé de reconnaître la victoire de l’opposition aux élections législatives de 2015, il est vrai aussi que celle-ci a refusé de reconnaître le succès de Nicolas Maduro à l’élection présidentielle. Faute d’accord entre les acteurs ou faute de leadership comme à l’époque de Chavez, le pays est en permanence menacé d’instabilité. Plus encore que la crise économique ou la crise humanitaire, c’est cette crise politique qui est au cœur du problème vénézuélien.