Entre Etats européens, pas d’ingérence !

Syriza, le parti de la gauche radicale, maintient son avance dans les sondages, à quelques jours des élections anticipées en Grèce, le dimanche 25 janvier. Il devance de 4 points la Nouvelle démocratie (centre-droit), avec un score estimé à 32% contre 28. Si les déclarations de divers dirigeants européens mettant en garde contre une victoire du parti mené par Alexis Tsipras avaient pour but de conforter la coalition au pouvoir depuis 2012 – PASOK (social-démocrate) et Nouvelle démocratie –, l’échec est patent.
Les responsables européens, que ce soit à Bruxelles ou à Berlin, ont vite compris leur erreur et ont modéré leurs expressions. Aux avertissements ont succédé les rappels : quel que soit le résultat du scrutin, le prochain gouvernement grec devra respecter les engagements pris par ses prédécesseurs auprès de l’Union européenne. Même la France, qui au cours des dernières années n’a pas brillé par le respect des traités, a entonné ce refrain.
Les électeurs grecs n’ont pas l’air d’avoir été impressionnés. Après tout, ils peuvent espérer qu’un gouvernement Tsipras maintiendra la Grèce dans la zone euro et dans l’Union européenne, tout en assouplissant la politique d’austérité. Cela ressemble à la quadrature du cercle mais en période électorale rien ne parait impossible.
En revanche, Syriza et ses amis dans les autres Etats européens, le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon par exemple en France, ont tort de crier à « l’ingérence » dans les affaires intérieures grecques quand les dirigeants européens expriment leur préférence. Dans une communauté qui est de plus en plus intégrée, au moins sur le plan monétaire, toute décision prise dans un pays a des répercussions sur les partenaires. Si la Grèce venait à faire défaut, ce sont, entre autres, les contribuables allemands – pour 25% – et les contribuables français – pour un peu moins de 20% – qui payeraient la facture. Il n’est pas scandaleux que les dirigeants qui auraient à assumer la responsabilité d’une telle décision, aient leur mot à dire. Et sans aller jusqu’à cette extrémité, la voie que choisira le prochain gouvernement d’Athènes aura des conséquences pour l’ensemble de l’Union.
La politique européenne relève de moins en moins de la politique étrangère et de plus en plus de la politique intérieure. Il n’est pas plus anormal que la chancelière Merkel dise ce qu’elle pense de la situation en Grèce que de voir le Parti de gauche, le PCF, les Verts, Die Linke en Allemagne ou Podemos en Espagne soutenir Syriza.
Certes l’Union européenne n’est pas (pas encore ?) un Etat fédéral, a fortiori un Etat unitaire. Une part, mais une part seulement, des souverainetés nationales a été transférée aux institutions communautaires. Les élections restent d’abord nationales, à tel point que même les scrutins européens sont souvent plus marqués par les thèmes nationaux que par les débats proprement européens. Mais l’émergence d’une opinion publique européenne est la condition nécessaire à une démocratisation croissante de l’UE. Elle passe aussi par l’intérêt que les uns et les autres peuvent porter aux débats internes des partenaires.