Gorbatchev écrira plus tard : « le sommet soviéto-américain de Reykjavik en 1986 a été considéré par beaucoup comme un échec ; en réalité, il a donné le coup d’envoi à une réduction des arsenaux nucléaires en réaffirmant la vision d’un monde sans armes nucléaires et en ouvrant la voie à des accords concrets sur les fusées à portée intermédiaire et sur les armes stratégiques ».
Gorbatchev savait que l’URSS avait besoin de réformes économiques radicales et que pour les mener à bien il devait éviter une confrontation avec l’Occident. Reagan était le président américain le plus sensible au caractère immoral de l’arme nucléaire. En 1985, à Genève, Reagan et Gorbatchev avaient exprimé leur conviction qu’une « guerre nucléaire ne peut être gagnée et qu’elle ne doit jamais être menée ».
Reagan voulait rendre les armes nucléaires « impuissantes et obsolètes ». Deux manières lui semblaient appropriées : la réduction du nombre d’ogives nucléaires et la construction d’une défense antimissiles. Un jour ou l’autre les deux courbes se rencontreraient et la défense aurait le pas sur l’offensive. Mais l’idée exigeait une confiance entre les Etats-Unis et l’URSS beaucoup plus élevée que celle existant alors. Moscou voyait dans la politique de Reagan une relance de la course aux armements dont l‘objectif était de diminuer la capacité de dissuasion de l’Union soviétique.
Toutefois en janvier 1986, Gorbatchev avait lancé l’idée d’une élimination totale en trois étapes de toutes les armes nucléaires d’ici 2000. Reagan avait répondu en proposant une réduction radicale du nombre de missiles balistiques, un moratoire de plusieurs années sur les défenses antimissiles et l’élimination des fusées à moyenne portée. Quelques jours plus tard, les deux hommes d’Etat décidaient de se rencontrer en Islande.
La délégation américaine arriva à Reykjavik avec l’intention de mener des conversations exploratoires. Ce n’était pas le point de vue de la partie soviétique. Gorbatchev avait préparé toute une batterie de propositions concrètes sur la réduction de toutes les catégories d’armes nucléaires. Il demandait en outre que Washington et Moscou s’engagent à ne pas se retirer du traité ABM, signé en 1972, pendant une période de dix ans et à renoncer à toute recherche et tout développement sur la défense antimissile, sauf les essais en laboratoire. Au cours de plusieurs séances dramatiques, au niveau des conseillers, des ministres des affaires étrangères et finalement au sommet, les propositions et contre-propositions des uns et des autres furent examinées. Les deux super-puissances de l’époque étaient à deux doigts d’un accord sur le désarmement nucléaire général. Elles échouèrent au dernier moment sur un seul mot : « laboratoire ». Gorbatchev voulait que la recherche antimissile soit limitée aux travaux en laboratoire. La partie américaine interpréta cette exigence comme une attaque contre l’Initiative de défense stratégique (SDI) familièrement appelée « guerre des étoiles », et refusa. Ainsi se termina ce que le secrétaire d’Etat de Ronald Reagan, George Schultz, appela « la partie de poker aux plus hautes enchères jamais jouée ».