Au moment où commence l’année 2021, la scène internationale, au moins du côté occidental, est le théâtre de trois changements qui font planer sur l’avenir quelques incertitudes mais qui nourrissent aussi l’espoir d’un renouveau. Le premier est le Brexit, dont on a déjà beaucoup parlé ici et qui entre désormais dans les faits, sans qu’on sache encore très bien comment le Royaume-Uni, au rythme des rodomontades de son imprévisible premier ministre, Boris Johnson, entend mener sa barque.
Le deuxième est la relève de Donald Trump par Joe Biden, aux Etats-Unis, qui invite à se demander dans quelle mesure le nouveau président sera capable de rompre avec le « trumpisme » et son rejet obsessionnel du multilatéralisme dans ses relations avec le reste du monde. Troisième changement, enfin, interne à l’Europe : le départ annoncé, à l’automne prochain, de la chancelière allemande, Angela Merkel, dont le successeur confirmera, ou non, l’orientation fortement pro-européenne que celle-ci a donnée à son pays.
Après le Brexit
L’Union européenne sans le Royaume-Uni saura-t-elle rebondir pour approfondir son unité ou restera-t-elle durablement affaiblie par le départ de l’un de ses principaux Etats membres ? Partenaires difficiles pendant près de cinquante ans, les Britanniques n’en ont pas moins contribué au rayonnement et à la puissance de l’Europe, sur le plan économique comme sur le plan diplomatique. Ceux des Européens qui les accusaient d’entraver le développement de l’union sont désormais au pied du mur : il leur appartient de montrer que l’Europe à Vingt-Sept est capable d’affirmer son « autonomie stratégique », selon le nouveau concept en vigueur, en renforçant la solidarité de ses membres.
Pour le moment, elle semble sur la bonne voie, sous l’autorité avisée d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission. Outre la coordination remarquée de la lutte contre la pandémie, elle a marqué plusieurs points en lançant un important plan de relance économique, en signant avec la Chine un accord historique sur les investissements, en s’attachant à réguler l’industrie numérique face aux géants du web, en se fixant des objectifs ambitieux dans le combat contre le changement climatique. Un nouvel élan a été pris, qui demande confirmation en 2021.
Avec Biden, le retour au dialogue
L’élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis - c’est le deuxième changement de 2021 - peut aider les Européens à reprendre place sur l’échiquier mondial. Mise à mal par Donald Trump, la relation transatlantique devrait s’améliorer sous la présidence de son successeur et permettre aux Européens de jouer leur rôle dans les négociations internationales. La volonté d’apaisement manifestée sur plusieurs dossiers par le nouvel occupant de la Maison-Blanche tranchera avec l’agressivité brouillonne de son prédécesseur. Sur la question du nucléaire iranien comme sur celle du changement climatique, deux sujets qui tiennent à cœur aux Européens et qui ont servi de prétextes à Donald Trump pour sortir du cadre multilatéral, la méthode va certainement changer. Le dialogue va pouvoir reprendre, même sur les dossiers qui fâchent.
Il ne faut pas croire que Joe Biden sera pour l’Europe un allié accommodant. Certaines réalités demeurent, comme la montée en puissance de la Chine, l’expansionnisme de l’Iran au Moyen-Orient ou les provocations de la Turquie. Et le nouveau président a affiché plusieurs fois son intention de rétablir le « leadership américain », ce qui pourrait être source de conflits avec ses grands partenaires. Mais le ton ne sera plus le même. L’ancien ambassadeur français aux Etats-Unis, Gérard Araud, a parlé d’un « retour à la normale » dans les relations internationales, qui devrait conduire notamment à régler les inévitables différends euro-atlantiques « à l’amiable », et non par l’insulte et la confrontation. On attend donc avec intérêt les premiers pas diplomatiques du successeur de Donald Trump.
L’ère post-Merkel
Troisième changement, qui concerne directement l’Europe : le départ d’Angela Merkel, à l’automne, après seize ans passés à la tête du gouvernement allemand. Une demi-douzaine de candidats se disputent plus ou moins ouvertement sa succession : Olaf Scholz, actuel ministre des finances et vice-chancelier, pour le SPD, Armin Laschet, ministre-président de la Rhénanie-Westphalie, Friedrich Merz, ancien président du groupe parlementaire, et Norbert Röttgen, président de la Commission des affaires étrangères du Bundestag, pour la CDU, sans compter Markus Söder, ministre-président de la Bavière pour la CSU.
Aucun de ces postulants n’entend rompre avec la politique européenne d’Angela Merkel mais dans ce domaine tout est affaire de nuances. La personnalité du futur chancelier sera donc déterminante pour savoir si le tandem franco-allemand continuera de pousser l’Europe à aller de l’avant et si les progrès décisifs qu’a permis la chancelière, en collaboration avec Emmanuel Macron, dans l’approfondissement de l’intégration européenne seront poursuivis par Berlin. Rien n’est acquis en la matière. On en saura plus au lendemain des élections générales du 26 septembre.
Il est permis d’espérer que l’année 2021, une fois vaincue la pandémie qui a frappé le monde en 2020, sera pour l’Europe un rendez-vous prometteur.