Réalisé par le East-West Center, un groupe de recherche du Congrès américain, ce rapport estime que plus de la moitié de la population nord-coréenne écoute et voit maintenant les informations de l’étranger (grâce aux radios et téléviseurs dont la Chine arrose le pays), alors que le cynisme intrinsèque du système sape les mythes étatiques et que le mécontentement grandit même parmi les élites. Les « formes quotidiennes de résistance » prennent racine, souligne-t-il, et de plus en plus de Nord-coréens pensent maintenant que la corruption généralisée, la montée des inégalités et les pénuries alimentaires chroniques sont bien de la faute du gouvernement de Pyongyang et non des Etats-Unis, de la Corée du Sud ou d’autres puissances étrangères.
Ce constat survient alors que des informations non confirmées, de source nord-coréennes, font état d’un nombre croissant de victimes de la famine (la dernière, dans les années 1990, avait fait un million de morts) provoquée par une mauvaise récolte et une réforme monétaire bâclée qui a désorganisé les marchés alimentaires, entraîné une inflation explosive et provoqué des émeutes. Accusé par le leader Kim Jong-il « d’avoir ruiné délibérément l’économie nationale » par sa réforme monétaire lancée le 30 novembre 2009, Pak Nam-ki, 77 ans, haut responsable du Parti et architecte de la réforme monétaire, a été limogé puis exécuté. Cette réforme, la première en 17 ans, visait à une reprise en main de l’économie par l’Etat, au détriment des commerçants enrichis par le commerce avec la Chine.
Le beau-frère de Kim, Chang Sung-taek, a pris des mesures d’urgence en distribuant des rations de riz provenant des réserves stratégiques, en ré-ouvrant les marchés privés et en levant l’interdiction des devises étrangères. Mais, souligne de son côté un rapport de l’International Crisis Group, « les relations entre le Parti et la population ont été atteintes de façon irréversible. Cela aura des conséquences sur la survie à long terme du régime ». Kim Jong-il, 68 ans, malade et dépressif (il n’aurait plus que trois ans à vivre, selon les dires de Kurt Campbell, secrétaire d’Etat adjoint américain pour l’Asie orientale), prépare sa périlleuse succession au profit de son troisième fils, Kim Jong-un, âgé de 27 ans. La désorganisation du pays est telle qu’il n’est pas exclu que le dictateur reprenne le chemin de la table des négociations sur le dossier du nucléaire, par l’entremise de la Chine.
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