Le plan français imposera aux deux constructeurs français, en échange de prêts bonifiés de plus de six milliards d’euros, de maintenir leur production sur le territoire national. Une fois de plus, voici Nicolas Sarkozy cloué au pilori pour manquement à l’esprit européen et les Vingt-Sept divisés sur les politiques de soutien à leurs industries à deux semaines d’un sommet qui devra chercher, le 1er mars, les moyens de mieux coordonner leurs actions.
Le premier ministre tchèque, Mirek Topolanek, annonce d’ores et déjà qu’il tentera de trouver un équilibre « entre ceux qui pensent qu’il est possible de violer les règles et ceux qui ne le pensent pas ». Pour lui, il est clair que la France est au premier rang des Etats qui ne craignent pas de s’affranchir des règles communautaires alors que la République tchèque, précise-t-il, fait partie de ceux qui entendent les respecter.
Les propositions de Nicolas Sarkozy sont-elles contraires aux principes de la concurrence et de la libre circulation qui régissent le marché intérieur ? Il appartiendra aux services de la Commission d’en décider après avoir reçu communication, au plus tard le 17 février, du plan détaillé de Paris. Le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, qui préside le conseil des ministres des finances de la zone euro, appelle les autorités européennes à étudier d’une manière approfondie les propositions françaises. Selon M. Barroso, Bruxelles doit s’assurer que le dispositif mis au point par la France n’entraîne pas des « effets collatéraux négatifs » dans les autres pays de l’Union, notamment en menaçant l’emploi.
Les deux critiques de la Commission
La Commission met l’accent sur deux difficultés : l’atteinte à la liberté d’établissement que pourrait représenter l’obligation faite aux entreprises de ne pas délocaliser leur production ; et la durée du prêt, qui serait de cinq ans, au lieu des deux ans autorisés récemment par les Vingt-Sept. Des négociations vont donc s’engager. Il faut rappeler en effet que le droit communautaire n’interdit pas les aides d’Etat mais les soumet à des conditions strictes, qui font l’objet de discussions entre les gouvernements et la Commission. Des aides sectorielles, en particulier, peuvent être autorisées si elles ne faussent pas le jeu de la concurrence « dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». Il y a là matière à appréciation.
Nicolas Sarkozy ne manque pas de rappeler qu’en 2004, lorsqu’il était ministre des finances, il a obtenu l’accord de la Commission, moyennant des concessions durement négociées, pour une aide de plus de 2 milliards à la restructuration d’Alstom. Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert-Schuman, une association peu suspecte d’infidélité à l’esprit européen, n’hésite pas à écrire : « Les circonstances exceptionnelles que nous traversons justifient des exceptions temporaires et collectives puisque les ressources financières sont nationales (…) Le plan français pour l’automobile fera, sans aucun doute, la preuve de sa compatibilité avec des règles qu’il faut préserver car nous en aurons besoin ».
La situation de l’industrie automobile est alarmante. « Le pire est en train de se passer », estime Carlos Ghosn, le patron de Renault et président de l’Association des constructeurs automobiles européens. La chute des ventes de voitures neuves en Europe est spectaculaire. Les constructeurs prévoient une baisse de 15 % sur l’ensemble de l’année 2009. Renault a déjà annoncé 11.000 départs en 2009, Peugeot-Citroën 9.000. Bref la priorité doit être à la défense de l’emploi.
Celle-ci ne passe pas par un retour au protectionnisme. « Le protectionnisme pourrait couler l’UE », souligne, à juste titre, le Financial Times dans un récent éditorial. Mais l’application dogmatique des règles européennes n’est pas non plus la bonne solution. Le commissaire français, Jacques Barrot, rappelle, dans son livre L’Europe n’est pas ce que vous croyez (Albin Michel, 2007), qu’en matière de fonds régionaux une entreprise qui bénéficie de la solidarité du budget européen ne peut pas déménager dans un autre Etat pendant les sept années qui suivent, sauf à rembourser les aides reçues. M. Barrot souligne aussi que les principaux leviers de politique industrielle demeurent dans les mains des Etats. La difficulté est d’articuler efficacement mesures nationales et mesures européennes.