Angela Merkel devant. Mais qui derrière ?

Comme en France au moment de l’élection présidentielle, il y a en Allemagne les « grands » et les « petits » candidats. Angela Merkel a accepté un seul débat avec Martin Schulz, le prétendant social-démocrate à la chancellerie, mais a refusé de dialoguer à la télévision avec les représentants des « petits » partis, ceux qui dans les sondages sont crédités de moins de 10% des intentions de vote. Son propre parti, la CDU-CSU, fait la course en tête avec près de 40%, suivi par le SPD (25%).
Le duel Merkel-Schulz, le dimanche 3 septembre, n’a pas fait bouger les lignes. Comme l’a titré la Frankfurter Allgemeine Zeitung, « Schulz a marqué des points. Merkel a gagné ». Faute d’être admis dans la cour des « grands », les « petits » ont discuté entre eux le lendemain. Leur débat a été plus vif et finalement plus intéressant. C’est que pour eux l’enjeu n’est pas mince. La gauche radicale, Die Linke, et l’extrême-droite – Alternative für Deutschland (AfD) – se battent pour la troisième place et pour le soutien des électeurs protestataires, notamment dans les Länder de l’est. Les libéraux, chassés du Bundestag en 2013, veulent revenir au Parlement et… au gouvernement. Bien qu’affaiblis, les Verts se verraient bien dans une coalition, y compris avec la démocratie-chrétienne.
Si Angela Merkel et Martin Schulz ont eu un échange courtois qui n’empêcherait pas le cas échéant la reconduction de la grande coalition, les libéraux et/ou les écologistes espèrent être la force d’appoint d’une nouvelle configuration politique. C’est pourquoi l’intérêt du scrutin du 24 septembre réside moins dans le score des grands partis que dans l’ordre d’arrivée des « petits ». Le terrain politique est déblayé aussi bien pour un gouvernement « bourgeois » entre la CDU- CSU et les libéraux que pour une alliance « noire-verte » (démocrates-chrétiens/écologistes), voire une coalition « jamaïcaine » (noire, jaune, verte).
Le quotidien de Munich, Süddeutsche Zeitung (centre gauche), a raison d’affirmer que « la bataille électorale commencera le 25 septembre », soit au lendemain des élections. Ce sera le début des tractations pour la formation du gouvernement, en fonction de l’arithmétique parlementaire. En Allemagne ces négociations durent en général plusieurs mois car il s’agit pour les partenaires de la future coalition de passer un accord exhaustif sur les politiques qui seront menées pendant les quatre prochaines années.
Tout laisse à penser qu’Angela Merkel dirigera le prochain gouvernement mais la composition de celui-ci est la grande inconnue des semaines à venir. Elle pourrait réserver des surprises, être l’occasion de constellations originales qui influeront sur l’orientation de l’Allemagne, y compris dans sa politique européenne.
La chancelière a été suffisamment vague sur la plupart des sujets pour se ménager plusieurs portes de sortie. Elle est aussi capable de prendre des décisions inattendues (sortie du nucléaire en 2011, accueil des réfugiés en 2015, etc.). A propos d’une relance de l’Europe, elle a fait des petits pas en direction des propositions d’Emmanuel Macron tout en restant prudente afin de ne pas effrayer ses électeurs. Ils craignent par-dessus tout que l’Allemagne paie pour les autres. Parmi les principaux partis, le consensus est pro-européen. Les europhobes sont réduits à la portion congrue. C’est une différence d’avec la France.