En Allemagne, la campagne électorale pour les législatives du 24 septembre n’a pas vraiment commencé mais Angela Merkel, à la chancellerie depuis douze ans, a trouvé un rival à sa hauteur. A peine nommé président du Parti social-démocrate (SPD) et désigné comme candidat à la chancellerie, Martin Schulz prend la tête dans les sondages. Si l’élection du chef du gouvernement allemand avait lieu au suffrage universel il remporterait 50% des suffrages contre 41% seulement pour Angela Merkel.
Dans un régime parlementaire, ce sont les scores des partis qui comptent. Mais là encore, l’arrivée de l’ancien président du Parlement européen sur la scène intérieure allemande a déjà eu des effets positifs pour le SPD. Dans le dernier baromètre de la première chaîne de télévision, les socio-démocrates gagnent 8 points par rapport au mois de janvier. Avec 28% des intentions de vote (si le scrutin avait lieu dimanche prochain), ils ne sont plus que 6 points derrière la démocratie-chrétienne (34%). Si c’est insuffisant pour détrôner Angela Merkel, c’est le signe d’une dynamique créée par le changement à la tête du SPD.
L’ancien chef du parti, Sigmar Gabriel, a tiré les leçons de son échec à bénéficier de sa participation à la grande coalition. Dans une déclaration qui ressemblait presque mot pour mot à celle de François Hollande renonçant à se présenter à l’élection présidentielle, il a admis être un obstacle à un succès de son camp aux prochaines élections. Martin Schulz n’a pas le même handicap. Sa carrière politique l’a mené directement de la mairie de la petite ville de Würselen, en Rhénanie-Westphalie, au parlement européen. Il peut critiquer Angela Merkel sans se voir rétorquer que pendant cinq ans il a partagé la responsabilité de la politique gouvernementale. Le paradoxe est même que le SPD a réussi à imposer nombre de ses revendications (salaire minimum, abaissement de l’âge de la retraite, parité homme-femme, PACS, etc.) sans en tirer de bénéfice électoral.
Martin Schulz est poussé par un mouvement qui étonne les observateurs. Sans appartenir à une nouvelle génération d’hommes politiques, il est soutenu par les jeunes. Bien que plus âgé qu’Angela Merkel, il incarne le renouveau. Au Parlement européen, il a montré qu’il n’hésitait pas à affronter la droite populiste, en pleine expansion en Allemagne. Sans être un « gauchiste », il laisse ouverte la possibilité d’une coalition rouge-rouge-verte, avec la gauche radicale Die Linke et les Verts.
Dans l’état actuel des forces, une telle coalition, à supposer qu’elle soit politiquement réaliste, n’aurait pas de majorité au Bundestag. Le chemin vers la chancellerie est donc encore long. D’autant que le Parti social-démocrate doit affronter au printemps trois élections régionales cruciales avec le renouvellement du Bundestag à l’automne. Ce seront trois tests pour le nouveau candidat-chancelier. S’il les passe avec succès, notamment en Rhénanie-Westphalie, vieille terre social-démocrate, Martin Schulz pourra donner raison à Angela Merkel. La chancelière qui brigue un quatrième mandat disait depuis longtemps que cette élection serait la plus difficile.