Anne Houtman, une Belge à Paris

Anne Houtman est le nouveau chef de la représentation de la Commission européenne à Paris. Cette ancienne collaboratrice de Romano Prodi va tenter d’expliquer l’Europe aux Français.   

Nommée il y a quelques semaines à la tête de la représentation de la Commission européenne à Paris, Anne Houtman a pour mission de « vendre » la construction européenne aux Français. Elle aimerait surtout leur faire comprendre qu’on peut être favorable à l’Europe tout en ayant de celle-ci des idées différentes. Elle voudrait les convaincre que les décisions prises à Bruxelles ne sont pas dictées par l’application pure et simple des traités mais qu’elles relèvent de choix politiques et qu’elles varient selon qu’elles émanent d’une majorité de droite ou d’une majorité de gauche.

Cela signifie que les citoyens ont le pouvoir d’influer sur les politiques européennes, à condition qu’ils veuillent bien s’y intéresser. Mme Houtman se donne pour tâche de les aider à mieux percevoir, dans les divers domaines d’action de l’Union européenne, « où est le débat », afin de leur permettre d’en saisir plus clairement les enjeux.

Cette Belge francophone au parler direct, née le 21 janvier 1952 à Ixelles, une des vingt communes de l’agglomération bruxelloise, connaît bien les arcanes de la Commission. Elle y est entrée en 1985 après des études de mathématiques et de statistiques aux Etats-Unis (elle est diplômée de l’Université de Princeton) et un passage par la société Nielsen, spécialisée dans les études de marché.

Le souvenir de Romano Prodi

Devenue fonctionnaire européenne, Mme Houtman a travaillé d’abord à l’Office de statistiques puis, pendant douze ans, à la direction générale de la concurrence, où elle s’est beaucoup occupée des aides d’Etat. Ensuite elle a été pendant cinq ans membre du cabinet de Romano Prodi, alors président de la Commission (1999-2004), où elle était chargée de la recherche, de la société de l’information et du marché intérieur. Elle a gardé de cette période le souvenir d’intenses discussions, dont elle entend bien s’inspirer. « Au temps de Prodi, dit-elle, on avait des débats homériques ».

A l’appui de sa volonté d’encourager de tels débats, elle donne l’exemple de la directive Bolkestein, dont elle regrette que la Commission Prodi, alors en fin de mandat, n’ait pas mesuré toute la portée. La suite des événements a montré, selon elle, qu’il pouvait y avoir plusieurs interprétations de la libre circulation des services, objet de cette directive. « La Commission avait fait le choix le plus libéral qu’on pouvait faire », souligne-t-elle, avant que le Parlement ne propose une autre version, nettement plus satisfaisante à ses yeux. « Le même article du traité peut être appliqué de différentes façons », note-t-elle.

Après le départ de Romano Prodi, Mme Houtman a rejoint la direction générale du marché intérieur, puis celle des transports, à la demande du commissaire Jacques Barrot, alors chargé de ce portefeuille, et enfin celle de l’énergie. La voici désormais chef de la représentation de la Commission. Dans sa nouvelle fonction, elle devra tenter, dit-elle, d’ «  aplanir les différends » et de « dissiper les malentendus » entre Paris et Bruxelles.

Gouvernance économique

A la différence des « délégations » de l’UE, qui relèvent du nouveau service européen d’action extérieure, placé sous la responsabilité de Catherine Ashton, et qui sont en quelque sorte les ambassades de l’Union dans les pays tiers, les « représentations » dépendent de la direction générale de la communication de la Commission, chapeautée par la commissaire Viviane Reding. Mme Houtman refuse toutefois de considérer son travail comme un travail de « propagande ». Elle préfère parler d’un devoir d’explication. Elle entend s’appuyer sur un vaste réseau de partenaires pour contribuer à l’information des Français et aussi pour recueillir leurs réactions et les transmettre à Bruxelles.

Dans les prochains mois, l’effort d’information, d’explication et de discussion va porter prioritairement sur les questions de gouvernance économique, qui sont au premier plan de l’agenda de la Commission. Un sujet qui peut donner lieu, selon les interlocuteurs, comme le souhaite Mme Houtman, à une lecture plus libérale ou à une lecture plus sociale.