Après Staline, Trump sera-t-il l’unificateur de l’Europe ?

A la fin des années 1940, Staline a été le plus puissant facteur d’unification de l’Europe (occidentale). Sans la menace de l’URSS qui avait déjà avalé la moitié orientale du Vieux continent, la Communauté du charbon et de l’acier n’aurait pas vu le jour, ni à sa suite le Marché commun, la Communauté et enfin l’Union européenne.
Pour s’unir, les Européens ont besoin d’un coup de pouce venu de l’extérieur. On le voit bien avec l’état de l’UE depuis la fin de la guerre froide. Certes elle n’est pas restée inerte. Elle s’est élargie aux anciennes « démocraties populaires ». Elle a créé le marché puis la monnaie uniques. Mais malgré quelques avancées, elle n’est pas parvenue à se doter d’une véritable vision stratégique et à endosser le rôle politique qu’appellerait sa puissance économique.
Donald Trump lui en fournit l’occasion. Elle ne doit pas la laisser passer. C’est Angela Merkel qui a le mieux formulé les impératifs de la situation créée par l’élection de l’homme d’affaires à la tête des Etats-Unis : « Nous Européens, devons prendre notre destin entre nos mains », a-t-elle déclaré, précisant après les philippiques du président américain à l’OTAN que « le temps où nous pouvions nous en remettre à d’autres est quelque peu passé ». Au-delà des Etats-Unis, elle faisait aussi allusion à la Grande-Bretagne, l’autre puissance militaire européenne avec la France, qui se détourne de l’Europe avec le Brexit. La décision de Donald Trump de se retirer de l’accord de Paris sur le climat n’a pu que la renforcer dans sa conviction.
Venant d’un dirigeant français, des telles déclarations auraient été d’une grande banalité. Depuis De Gaulle et ses discours sur « l’Europe européenne », tous les présidents français nous ont habitués à ces velléités d’indépendance fondées sur une méfiance vis-à-vis de l’Alliance atlantique. Ils avaient l’impression de prêcher dans le désert auprès de partenaires qui n’avaient eux-mêmes aucune confiance dans la solidarité française.
Venant de la chancelière d’une Allemagne qui a assis depuis soixante-dix ans sa sécurité sur la garantie américaine et qui passait à juste titre pour « la meilleure élève de la classe atlantique », ces déclarations témoignent d’un changement radical de perspective. Reste à savoir si elles seront suivies d’effets. Pour que la prise de conscience des conséquences d’un éloignement des Etats-Unis par rapport à l’Europe incite l’UE à se prendre en mains, plusieurs conditions doivent être réunies.
La première, c’est que les déclarations d’Angela Merkel ne soient pas seulement l’expression d’un dépit passager. Ce ne serait pas la première fois que des doutes seraient apparus sur la solidité de l’alliance transatlantique avant que l’Europe ne confie à nouveau sa défense aux Etats-Unis.
La deuxième, c’est que l’autonomisation de la défense européenne ne se confonde pas avec une remise en cause des alliances. A certains moments, la tentation a existé en France. Elle pourrait être une aubaine pour les nationalistes qui entourent Donald Trump.
Enfin, l’ouverture que représentent les propos d’Angela Merkel, doit être saisie par les partenaires de l’Allemagne, en premier lieu par le président de la République française. Trop souvent, dans le passé, des initiatives allemandes en faveur d’une intégration plus poussée de l’Europe sont restées sans réponse à Paris. L’inverse est d’ailleurs vrai aussi. Tout laisse à penser qu’Emmanuel Macron partage l’analyse d’Angela Merkel. N’ayant pas hésité à braver l’opinion commune en mettant l’Europe au centre de sa campagne, il est bien placé pour s’engouffrer dans la brèche ouverte par Donald Trump. Qui aura rendu un grand service à la cause de l’Europe unie. A l’insu de son plein gré.