Au Mali, un succès à confirmer

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La France s’est félicitée du bon déroulement de l’élection présidentielle au Mali,dont le second tour a eu lieu le dimanche 11 août. A juste titre. Discrètement, pour ne pas être accusés de s’immiscer dans les affaires intérieures du pays, François Hollande, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, avaient insisté pour que le premier tour de scrutin soit organisé avant la fin du mois de juillet. L’objectif avoué était de donner une légitimité démocratique, après l’intervention militaire française du début de l’année.

Beaucoup d’observateurs, ainsi qu’un candidat potentiel, doutaient que le calendrier puisse être tenu. Ils craignaient que l’organisation ne pâtisse d’une certaine précipitation, notamment dans le nord du Mali.

Tout s’est cependant bien pensé, à tel point que François Hollande devrait se rendre à Bamako, où il avait été acclamé au lendemain de la victoire militaire française, pour l’investiture du nouveau président.

IBK – Ibrahim Boubacar Keïta ­­— sera le nouveau chef de l’Etat, après deux tentatives manquées depuis le début des années 2000. Son adversaire, Soumaïla Cissé, a reconnu sa défaite avant même que tous les suffrages aient été comptés. C’est de bon augure.

IBK a une longue expérience politique. Après des études et une carrière d’enseignant en France, il a été un collaborateur du premier président démocratique du Mali, puis ministre des affaires étrangères, Premier ministre de 1994 à 2000, et enfin président de l’Assemblée nationale. Il doit sa réputation d’homme à poigne à la répression qu’il a menée dans les années 1990 contre les manifestations étudiantes.

Aura-t-il la capacité et l’habileté suffisantes pour réconcilier tous les Maliens, le nord et le sud du pays ? L’intervention française au début de l’année – qu’il avait approuvée du bout des lèvres —, a écarté le danger du terrorisme islamiste. Au moins à moyen terme. Mais le problème du nord est plus profond que l’insécurité provoquée par les actions d’AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique). Les Touareg du Mouvement populaire de libération de l’Azawad réclament l’autonomie, voire l’indépendance. IBK avait naguère critiqué les accords qui avaient été trouvés entre le MNLA et Bamako et qui n’ont pas résisté au délitement politique du Mali au cours des dernières années.

L’autre interrogation, liée à la première, est de savoir si IBK pourra compter sur l’armée. Lors des coups menés par le capitaine Sanogo, il avait été un des rares dirigeants politiques maliens à ne pas être inquiété. Est-ce le signe d’une proximité avec les anciens putschistes ? Pour le moment, la stabilité est assurée par la force de l’ONU qui a pris le relai des soldats français. L’armée malienne est toujours en voie de formation, avec l’aide des pays européens.

Si Ibrahim Boubacar Keïta réussit à surmonter les divisions politiques, claniques, régionales, qui minent le Mali depuis des années, s’il se résout à respecter ses adversaires, l’intervention militaire française aura été plus qu’une simple expédition punitive contre le terrorisme.