Au Nigeria, un général putschiste pour la démocratie

Le candidat de l’opposition, Muhammadu Buhari, a gagné l’élection présidentielle au Nigeria et le président sortant, Goodluck Jonathan a reconnu loyalement sa défaite. Ce n’est pas si courant en Afrique pour ne pas être souligné. Ce qu’ont fait tous les observateurs internationaux après la liesse ayant accueilli le résultat. Au-delà des attentats attribués à la secte islamiste Boko Haram, le scrutin a donné lieu à quelques violences habituelles mais dans l’ensemble il s’est bien déroulé et la Commission électorale nationale a pu travailler en toute indépendance. Autre fait insolite sur le continent.
Les Nigérians semblent placer beaucoup d’espoir dans la présidence de Muhammadu Buhari, qui a promis de lutter contre l’insurrection islamiste et contre la corruption. Deux des principaux fléaux qui minent l’Etat le plus peuplé de l’Afrique noire, et le plus riche, devant la République sud-africaine. Les électeurs ne se sont pas seulement laissé bercer par des promesses. A 72 ans, Muhammadu Buhari, un musulman du nord issu d’une famille de 23 enfants, n’est pas un nouveau venu dans la politique nigériane. Après avoir fait ses classes dans les meilleures académies militaires, ce général a pris le pouvoir dans les années 1980 à la suite d’un des coups d’Etat. Les quelque vingt mois de son règne ont été marqués par des tentatives brutales d’imposer une discipline et de réduire les libertés publiques.
Depuis la fin des dictatures militaires, Muhammadu Buhari s’était présenté deux fois, sans succès, à l’élection présidentielle. Il a réussi à la troisième tentative en se proclamant converti à la démocratie. Il s’est entouré de personnalités diverses pour ne pas apparaître comme le simple candidat du Nord musulman. Son vice-président est un avocat chrétien et il a eu le soutien discret des milieux d’affaires.
Ses anciens états de service, qui auraient pu être un handicap, se sont révélés être des atouts. La majorité de ses compatriotes attendent de lui de la fermeté dans le combat contre la corruption qui gangrène une économie fondée sur l’exploitation des hydrocarbures et dans la lutte contre Boko Haram. Le Nigeria est un géant militaire, à tel point qu’il est apparu parfois comme « le gendarme du continent » et pourtant son armée n’arrive pas à en finir avec les rebelles islamistes, par incapacité ou par mauvaise volonté. Les soldats des pays voisins, et notamment du Tchad, ont dû intervenir, ce qui pour les Nigérians représente une humiliation. L’ancien général Muhammadu Buhari, qui dans les années 1980 a occupé le sud du Tchad avec ses troupes, aura à cœur d’y mettre fin.
Comme le note un spécialiste de la région, le Nigeria est « un Etat autoritaire qui commande beaucoup mais qui est peu obéi ». Muhammadu Buhari devra allier la fermeté qui lui est réclamée sans se voir reprocher de violer les principes démocratiques. Une gageure ?