Fille d’une famille arrivée à Hambourg il y a 45 ans avec la vague des « Gastarbeiter » (« travailleurs invités ») pour participer à la reconstruction de l’Allemagne, Mme Özkan, qui est l’épouse d’un médecin lui aussi d’origine turque et mère d’un jeune garçon, a rejoint la CDU en 2004 parce ses valeurs « la famille, la solidarité, l’amour du prochain » lui sont les plus proches, a-t-elle expliqué. Quatre ans plus tard, elle était élue au parlement de la ville-Etat de Hambourg.
Christian Wullf, le ministre-président démocrate-chrétien d’Hanovre est ainsi le premier à confier une responsabilité ministérielle à un enfant de la première communauté immigrée d’Allemagne. Cela n’avait rien d’évident, relève La Tribune de Genève (26 avril 2010) : « La défense de la culture allemande « dominante », le droit du sang, ont longtemps imprégné la CDU d’Helmut Kohl. Angela Merkel avait impulsé le changement, Wullf tourne définitivement la page en nommant Aygül Özkan. Il avait peut-être sous-estimé les suites » observe le quotidien helvétique.
De fait, la nouvelle ministre s’est déjà distinguée à propos de deux sujets très sensibles pour la CDU. Comme elle l’a confié au magazine Focus , elle est contre les crucifix accrochés sur les murs des salles de classe des écoles publiques et pour l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. M. Wullf a fait savoir aussitôt que, en dépit de l’estime qu’il lui portait, il avait pris ses distances avec les déclarations de sa nouvelle ministre et a assuré que tant qu’il serait là, les crucifix, « symboles d’une éducation tolérante sur la base des valeurs chrétiennes », resteraient en place.
Aygül Özkan l’a entendu : la Berliner Zeitung (27 avril 2010) indique en effet qu’elle a retiré sa proposition d’interdire les crucifix dans les écoles publiques, mais rappelle la décision prise par la Cour constitutionnelle il y a 15 ans. « L’interdiction des crucifix est conforme à la constitution allemande », titre le journal berlinois. « Mais contrairement à la femme politique de la CDU aujourd’hui, la Cour constitutionnelle était seule à l’époque. La Cour européenne des droits de l’homme s’est cependant récemment rangée de son côté en condamnant l’Italie à payer des dommages et intérêts à une plaignante originaire de Finlande, car des crucifix n’avaient pas été retirés de l’école de ses enfants » souligne le quotidien allemand.
En attendant, relève la Tribune de Genève, la jeune femme aurait été placée sous protection policière après avoir reçu des menaces de mort de l’extrême droite, au cas où elle accepterait son poste.