Bachar el-Assad sans limites

Tout semble indiquer que l’armée de Bachar el-Assad est responsable de l’attaque à l’arme chimique sur le village de Khan Cheikhoun. dans le nord de la Syrie. Même l’allié russe du régime de Damas l’a reconnu à demi-mot. Alors que Bachar el-Assad nie toute implication, Moscou a admis des raids aériens dans la région d’Idlib par l’aviation syrienne qui aurait bombardé un entrepôt des rebelles libérant des substances chimiques. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, l’attaque a fait 72 morts et plus d’une centaine de blessés. Le secrétaire général de l’ONU a dénoncé un crime de guerre. Quant à François Hollande, il a mis en cause le régime syrien « et ses alliés », sans toutefois nommer la Russie.
Deux enseignements peuvent être tirés de la tragédie de Khan Cheikhoun. Le premier est que Bachar el-Assad a floué la communauté internationale en feignant d’accepter, à l’automne 2013, de confier son stock d’armes chimiques à la Russie. Quelques semaines auparavant, l’armée syrienne avait déjà utilisé des gaz contre la population civile. C’était une « ligne rouge » édictée par Barack Obama que le régime de Damas ne devait pas franchir sauf à risquer une intervention. François Hollande était partisan de faire respecter cette « ligne rouge » en bombardant des positions de l’armée syrienne. Il n’a été suivi ni par les Britanniques, ni par les Américains.
Vladimir Poutine a voulu rassurer la communauté internationale et manifester sa bonne volonté. Il a proposé de contrôler la destruction par Damas de ses stocks d’armes chimiques, par ailleurs interdites par la Convention de 1993, dont la Syrie n’est pas signataire. Force est de constater que le régime ne s’est pas séparé de l’ensemble de son arsenal chimique ou qu’il l’a reconstitué depuis 2013. Dans les deux cas, la Russie n’a pas rempli ses engagements.
Le deuxième enseignement est que, conforté par l’intervention massive à terre et dans les airs, de ses alliés russes et iraniens, Bachar el-Assad ne connait pas de limites dans sa volonté d’éradiquer toute opposition. Alors que les négociations pour une issue politique parrainées par Moscou, Téhéran et Ankara, piétinent entre Astana et Genève, il continue à créer des faits accomplis, comme il l’a déjà fait à Alep. Son objectif est d’être incontournable dans la solution qui pourrait émerger. Il veut s’imposer aussi bien à ses tuteurs étrangers qui pourraient finir par le trouver encombrant que par les Occidentaux. Ces derniers, qui sont de plus en plus marginalisés, soit par impuissance soit par désintérêt, commencent à assouplir leur opposition à Assad, à l’instar des Etats-Unis.
Aussi longtemps qu’il sera sûr de l’appui de l’Iran et la Russie, le dictateur de Damas pourra tout se permettre. Seuls ses alliés sont en mesure de le freiner. Mais ils continueront à avancer leurs pions s’ils ne ressentent aucune pression de la part des Européens et des Américains qui donnent la fâcheuse impression de s’abandonner au fatalisme.