Barack Obama : le discours de Saint-Paul

Mardi 3 juin, le sénateur de l’Illinois a proclamé sa victoire dans la course à l’investiture du Parti Démocrate. Ce discours a été prononcé devant des milliers de partisans rassemblés dans le palais des expositions de Saint Paul, dans le Minnesota, où le Parti Républicain doit se rassembler en septembre pour officialiser la candidature de John McCain. Quel que soit le résultat des urnes en novembre prochain, ce discours de Barack Obama restera comme un "discours de victoire" après des mois d’une compétition épuisante avec Hillary Clinton. Extraits (résumé et traduction LD).

Hommage à Hillary Clinton

Nous avons certainement eu des différences pendant les derniers seize mois. Mais je peux vous dire, pour avoir souvent battu les tréteaux avec elle, que ce qui anime Hillary Clinton aujourd’hui est exactement la même chose que ce qui l’animait lors de sa première campagne dans le Texas avec Bill Clinton il y a quelques années, la même chose que ce qu’il l’a amenée à s’engager auprès du Children’s Defense Fund et à se battre pour une meilleure politique de santé en tant que First Lady ; la même chose que ce qui l’a poussée à entrer au Sénat et à faire une campagne forte pour la présidence... à savoir la volonté forte d’améliorer la vie des Américains ordinaires, quelles que soient les difficultés d’un tel combat. Vous pouvez me croire : si nous finissons par gagner la bataille des soins de santé pour tous dans ce pays, elle aura joué un rôle central dans cette victoire. Si nous transformons notre politique énergétique et faisons sortir les enfants de la pauvreté, ce sera parce qu’elle aura aidé à le rendre possible. Notre parti et notre pays lui doivent beaucoup et je considère que je suis un candidat d’autant plus fort que j’ai eu l’honneur de concourir avec elle.

Contre John McCain

Dans quelques mois, le Parti Républicain sera ici à St.Paul avec un agenda tout différent du mien. Il sera ici pour officialiser la candidature de John McCain, un homme qui a servi ce pays de manière héroïque. Je rends hommage à ce qu’il a fait et je respecte son parcours, même si lui, de son côté, ne fait pas de même avec moi. Mes différences avec lui ne sont pas de nature personnelle. Elles portent sur les politiques qu’il a proposées durant cette campagne.

S’il prétend légitimement mettre en avant une forme d’indépendance par rapport à son parti dans le passé, on ne peut pas dire que cette indépendance ait été le point fort de sa campagne présidentielle. Ce n’est pas un changement quand John McCain soutient George Bush 95% du temps, comme il l’a fait au Sénat l’an dernier. Ce n’est pas un changement quand il nous propose quatre ans supplémentaires de politiques économiques similaires à celles de George Bush, politiques qui ont échoué à créer des jobs bien payés, échoué à offrir une assurance à nos travailleurs, échoué à aider les Américains à faire face au coût de plus en plus astronomique de l’enseignement supérieur... Autant de politiques qui ont amoindri les revenus réels des familles américaines, élargi le fossé entre Wall Street et Main Street et laissé à nos enfants une montagne de dettes.

Ce n’est pas un changement quand John McCain propose de continuer à mener en Irak une politique qui consiste à tout demander à nos braves hommes et femmes en uniforme et rien aux responsables politiques irakiens. Une politique qui consiste à chercher des raisons de rester en Irak alors que nous dépensons des milliars de dollars chaque mois pour continuer une guerre qui ne permet pas d’apporter la moindre sécurité au peuple américain.

Irak : pour un retrait progressif

Le changement, c’est une politique étrangère qui ne se résume pas à une guerre que nous n’aurions jamais dû autoriser ni mener. Je ne vais pas prétendre qu’il n’y a rien à faire en Irak, mais nous ne pouvons pas choisir de laisser nos troupes dans ce pays pour les 100 prochaines années, spécialement à un moment où notre armée est sursollicitée, notre nation isolée et où pratiquement toutes les autres menaces sur l’Amérique sont ignorées.

On doit être aussi prudent dans notre sortie d’Irak que nous avons été imprudents quand nous y sommes entrés. Mais nous devons commencer à partir. Il est temps pour les Irakiens de prendre leurs responsabilités pour construire leur avenir. Il est temps de reconstituer notre armée et de donner à nos vétérans l’assistance dont ils ont besoin et les allocations qu’ils méritent quand ils rentrent au pays. Il est temps de concentrer nos efforts sur les dirigeants d’Al Qaida et sur l’Afghanistan et de rassembler le monde contre les menaces globales du 21e siècle : le terrorisme et les armes nucléaires ; le changement climatique et la pauvreté ; les génocides et les maladies. C’est ça le changement.

Le changement, c’est de réaliser que pour répondre aux menaces d’aujourd’hui, nous n’avons pas seulement besoin de notre puissance de feu, mais du pouvoir de notre diplomatie, une diplomatie directe qui ne mâche pas ses mots, avec un président des Etats-Unis qui n’a pas peut de faire savoir aux dictateurs du monde entier ce que pense l’Amérique et ce pour quoi nous nous battons. Nous devons encore une fois avoir le courage et la conviction de conduire le monde libre. C’est l’héritage de Roosevelt, Truman et de Kennedy.

Priorité au social

Le changement, c’est de construire une économie qui ne récompense pas seulement la richesse, mais le travail et les travailleurs qui créent cette richesse. C’est de comprendre que les difficultés des familles qui travaillent ne peuvent être résolues en dépendant des milliards de dollars en allègements fiscaux pour les grandes entreprises et les patrons les plus riches, mais en favorisant fiscalement la classe moyenne, en investissant dans nos infrastructures défaillantes, en transformant la façon dont nous utilisons l’énergie, en améliorant nos écoles, en renouvellement notre engagement en faveur de la science et de l’innovation. C’est comprendre qu’une politique budgétaire responsable et une prospérité partagée peuvent aller main dans la main, comme on l’a vu pendant la présidence de Bill Clinton.

John McCain a passé beaucoup de temps à parler de ses voyages en Irak au cours des dernières semaines, mais il ferait mieux de passer du temps à se rendre dans les villes qui ont été le plus touchées par cette économie, dans le Michigan, l’Ohio ou encore ici dans le Minnesota... il comprendrait ainsi le type de changement qu’attendent les gens.

S’il allait dans l’Iowa et s’il rencontrait une étudiante qui travaille de nuit après une journée entière de cours pour payer les frais médicaux de sa soeur malade, il comprendrait peut-être qu’elle ne peut se permettre de subir encore quatre ans un système de santé qui se préoccupe davantage des riches et des bien-portants. Cette étudiante a besoin de nous pour mettre en place un programme de santé qui guarantit l’assurance à tout Américain qui le souhaite et qui réduise les primes d’assurance pour toutes les familles qui en ressentent le besoin. C’est ça le changement dont nous avons besoin.

Et si John McCain passait quelque temps dans les écoles de Caroline du sud ou de St.Paul, ou encore à la Nouvelle-Orléans il comprendrait que nous ne pouvons pas nous permettre de réduire nos financements pour l’éducation, que nous devons à nos enfants d’investir dans l’éducation primaire, de recruter une armée de nouveaux enseignants, de mieux les payer et de mieux les considérer. Nous devons comprendre que dans cette économie globale, la chance d’accéder à l’éducation supérieure ne doit pas être un privilège réservé aux riches, mais un droit pour tout Américain, dès la naissance. C’est ça le changement dont nous avons besoin, c’est la raison pour laquelle je suis candidat à la Présidence.

Une nouvelle politique énergétique

Si John McCain allait en Pennsylvanie et rencontrait un homme qui a perdu son job mais qui n’a pas les moyens de se payer l’essence pour circuler et chercher un nouveau travail, il comprendrait qu’on ne peut se permettre de continuer, pendant les quatre ans à venir, à dépendre du pétrole des dictateurs. Cette homme a besoin de nous pour adopter une politique énergétique qui oeuvre, avec les constructeurs automobiles, à augmenter nos standards en matière de carburants, forcer les entreprises à rembourser les frais engendrés par la pollution, et forcer les companies pétrolières à réinvestir leurs profits records dans un futur d’énergies propres. Une politique énergétique qui créera des millions de nouveaux jobs, bien payés et non susceptibles d’être délocalisés. Voilà les changements dont nous avons besoin.

Dépasser les divisions stériles

La partie adverse sera présente ici en septembre . Elle vous offrira une autre politique et d’autres choix. C’est un débat que j’attends et que le peuple américain mérite. Ce que vous ne méritez pas, c’est une nouvelle élection dominée par la peur, les insinuations et la division. Au cours de cette campagne, mon parti ne vous proposera pas une politique qui utilise la religion comme un coin et le patriotisme comme un gourdin. Ni une politique qui dégrade l’adversaire pour en faire un ennemi qu’on diabolise. On peut se ranger du côté des Démocrates ou des Républicains, mais nous sommes d’abord des Américains. Nous sommes toujours des Américains d’abord.

En dépit de ce que dit le sénateur de l’Arizona, j’ai vu des gens ne partageant pas les mêmes vues ni les mêmes opinions trouver une cause commune à de nombreuses reprises au cours des deux décennies de ma vie publique, et j’ai permis à beaucoup de gens de se rapprocher. J’ai marché main dans la main avec des leaders communautaires dans le quartier du South Side à Chicago et j’ai vu comment les tensions diminuaient quand les Noirs, les Blancs et les Latinos se battaient ensemble pour de bons jobs et de bonnes écoles. J’ai participé à des tables rondes avec des responsables de la police et des avocats des droits civiques pour réformer un système judiciaire qui avait envoyé treize innocents dans le couloir de la mort. Et j’ai travaillé avec des amis du parti républicain pour permettre à plus d’enfants de bénéficier de l’assurance maladie et à plus de familles de travailleurs de bénéficier d’allègements fiscaux, pour permettre de réduire la dissémination des armes nucléaires et veiller à ce que les Américains sachent à quoi leurs impôts servent. Mais aussi pour réduire l’influence des lobbyistes qui ont trop souvent été les maîtres de l’ordre du jour à Washington.

Dans notre pays, j’ai compris que cette coopération a lieu non pas parce que nous sommes d’accord sur tout, mais parce qu’au-delà des étiquettes et des fausses divisions et catégories qui nous définissent, au-delà des petites querelles et batailles politiciennes de Washington, les Américains sont un peuple digne, généreux et compassionnel (decent, generous, compassionate), uni par les défis et les espoirs communs. Et comme souvent, il y a des moments où nous sommes appelés à nous appuyer sur ces fondamentaux pour rendre ce pays à nouveau grand.

Je suis absolument certain que les générations futures diront que 2008 a été le moment où nous avons commencé à fournir de l’assistance à nos malades et des bons emplois à nos chômeurs. Que 2008 a été le moment où la montée des océans a commencé à ralentir et où notre planète a commencé à guérir. Que 2008 a été le moment où nous avons mis fin à une guerre, sécurisé notre nation et restauré notre image comme celle d’un pays qui représente le dernier et le meilleur espoir sur terre.