« La nation que je tiens le plus à bâtir, c’est la nôtre ». Cette déclaration clé du Président Barack Obama à l’occasion de son discours du 1er décembre 2009 sur la stratégie américaine pour l’Afghanistan, pourrait très bien résumer sa première année à la Maison-Blanche. Barack Obama est un « War President » malgré lui, contraint de poursuivre les chantiers extérieurs ouverts sous l’administration G.W. Bush et rattrapé par la « guerre contre le réseau Al-Qaida », tout en prenant en compte l’ampleur du défi du « nation-building at home », ou littéralement, la reconstruction de la nation américaine, du contrat social, par le rétablissement du lien de confiance entre les Américains et l’Etat fédéral – il ose la réforme du système de santé, se pose en chantre de la régulation financière, de restrictions sur l’activité des grandes banques et de la taxe sur celles-ci. En entamant ces réformes, Barack Obama a déjà brisé un certain nombre de tabous socio-culturels américains et c’est précisément cela qu’il faut saluer après la première année de son mandat.
Le 20 janvier 2009, Barack Obama avait pleinement conscience qu’il était élu pour un « mandat de reconstruction » sur deux fronts, intérieur (crise socio-économique) et extérieur (Afghanistan, Irak et aujourd’hui peut-être Haïti), héritant d’un agenda où la plus grande difficulté est de hiérarchiser les priorités : gérer l’urgence, l’immédiateté, sans « perdre le sens du contact direct avec les Américains », selon la formule de Barack Obama lui-même, le 21 janvier 2010 sur la chaîne ABC. Or le « changement » promu par Barack Obama se trouve doublement contraint : à Washington, par les blocages internes du système politique américain (la victoire du républicain Scott Brown lors de l’élection sénatoriale partielle dans le Massachusetts, risque de compliquer davantage le processus) et sur la scène internationale, par la capacité de nuisance d’acteurs étatiques (Iran, Corée du Nord) et non-étatiques (Al-Qaida, groupes extrémistes, terroristes isolés). Et les Américains ont conscience de l’ampleur des défis posés à leur président (en janvier 2010, 63% des Américains estiment que les problèmes qu’Obama doit gérer en début de mandat sont beaucoup plus graves que ceux connus par ses prédécesseurs).
La thèse en vogue de « l’échec d’Obama un an après » doit être relativisée. Ce prisme déforme et fige la réalité de ses premiers mois à la Maison-Blanche.
Que disent les sondages ?
Il y a tout juste un an, la cote de popularité du Président Obama s’élevait à 68% dans les sondages (se situant parmi les résultats les plus hauts de l’histoire américaine – 72% pour J.F. Kennedy en 1961, 68% pour Eisenhower en 1953). Un an plus tard, sa première année de présidence rassemble en moyenne 57% de votes d’approbation - dépassant la moyenne de 49% historiquement basse de Bill Clinton pour sa première année de mandat, mais en-deçà des chiffres de certains de ses prédécesseurs : 76% pour Kennedy, 69% pour Eisenhower et 68% pour G.W. Bush, même si ces chiffres sont à replacer dans le contexte particulièrement propice à ces trois présidents au début de leurs mandats. Au 20 janvier 2010, 50% des Américains estiment que B.Obama fait un « bon travail » en tant que président.
Ces sondages sont à relativiser, puisque d’une part la cote de popularité de B. Obama ne pouvait logiquement que diminuer vu qu’elle était initialement très élevée, tendance renforcée par le contexte économique défavorable au président ; d’autre part, la plupart des huit derniers présidents américains (sauf G.H. Bush et G.W. Bush) ont connu une baisse dans les sondages au début de leur deuxième année de mandat, d’une moyenne de cinq points, J. Carter et R. Reagan rencontrant les baisses les plus importantes (-17 points pour le premier et -14 points pour le second). La deuxième année de présidence de B. Obama coïncidant avec les élections de mi-mandat – ce fut aussi le cas pour Truman, Carter, Reagan et Clinton-, l’éventuelle érosion des chiffres de popularité du président en-dessous de 50% pourrait toutefois présenter un vrai risque politique, puisque l’histoire américaine montre que dans des situations similaires, le parti du président peut perdre plus de sièges au Congrès.
Dans un récent sondage du USA Today/Gallup, 40% des Américains seulement approuvent la manière dont B. Obama gère la crise économique, chiffre qui reflète leurs inquiétudes quant à l’augmentation importante des dépenses publiques et au creusement du déficit public ; l’incertitude des résultats du pan de relance (les deux-tiers des Américains pensent que la reprise économique ne viendra que dans au moins deux ans), et leurs suspicions vis-à-vis de l’interventionnisme de l’Etat fédéral dans les affaires économiques.
La politisation de la réforme du système de santé
Le soutien de l’opinion publique américaine en faveur d’un projet de loi sur la réforme du système de santé, a lentement progressé, mais ne rallie toujours pas l’approbation de la majorité des Américains, qui restent très divisés sur la question : début janvier 2010, 49% des Américains s’y montrent favorables et 46% s’y opposent. En même temps, les positions restent figées et n’ont pas beaucoup évolué pendant l’année 2009, répliquant les positions très marquées et fixées des partis démocrate et républicain. L’opinion américaine n’est donc pas « instrumentalisable » par les partis politiques pour faire valoir leurs positions respectives.
Cette relative stabilité contraste avec les tendances de 1994 lorsque l’opinion publique américaine avait soutenu l’initiative de réforme de la santé de B. Clinton en janvier pour la rejeter dès juillet, la même année. Toutefois, on note des éléments de continuité : la teneur idéologique de cette réforme, en raison de sa forte politisation (en janvier 2010, 82% des démocrates sont en faveur d’un vote au Congrès ; 54% d’indépendants et 76% de républicains contre) ; les inquiétudes quant à une intervention accrue de l’Etat dans le système de santé ; le coût de la réforme ; la priorité accordée par les Américains à la relance économique sur la santé ; leur préférence pour une réforme graduelle ; et des facteurs personnels (8 Américains sur 10 sont satisfaits de leur assurance-maladie).
Les démocrates se trouvent aujourd’hui dans la posture la plus risquée sur le plan politique, à l’approche des élections de mi-mandat de 2010, alors que plus de la majorité des indépendants rejoignent les républicains dans leur opposition à l’adoption du projet de loi. Le système politique américain continue de dévoiler tous ses paradoxes et sa capacité de blocage : la majorité démocrate au Congrès acquise à B. Obama en 2009 ne lui a pas permis de mieux affronter le Congrès et de faire passer la réforme de santé.
Une politique étrangère plus populaire
Si les questions économiques et de santé polarisent le débat politique américain et divisent l’opinion publique, les orientations adoptées par Barack Obama sur la scène internationale recueillent à la fois l’approbation d’une majorité des Américains mais aussi des partis, ce qui est assez inhabituel en politique étrangère. Ainsi, Obama bénéficie d’un appui bipartisan et d’un peu plus de la majorité de l’opinion américaine pour sa stratégie pour l’Afghanistan - même si une grande partie des républicains estiment que la date du début du retrait fixée à 2011 est prématurée. On observe le même consensus bipartisan et dans l’opinion américaine pour l’Irak, la réaffirmation du leadership américain sur la scène internationale, et la lutte antiterroriste : des récents sondages (Washington Post-ABC News, mi-novembre 2009) montrent que 53% des Américains sont satisfaits de la façon dont Obama gère la menace terroriste.
Toutefois, il y a un dossier qui relève à la fois de la politique étrangère et de la politique intérieure, qui suscite l’opposition de l’opinion publique américaine et des partis : la fermeture de Guantanamo. Si les Américains rejoignent la volonté d’Obama d’améliorer l’image des Etats-Unis à l’étranger, ils sont toutefois de plus en plus réticents à l’idée d’accueillir des prisonniers de Guantanamo sur le territoire américain. Fin décembre 2009, les deux tiers des Américains s’opposaient à la fermeture du centre de détention, et les républicains contribuent à alimenter le climat de peur autour du transfert des détenus aux Etats-Unis, le transformant en enjeu de sécurité publique.
Une nouvelle conception de la prise de décision
Les Américains ont aujourd’hui plus confiance en leur Président que dans le Congrès pour sortir les Etats-Unis de la crise économique et assurer leur sécurité. Cela tombe bien, puisque Barack Obama a choisi d’incarner le « changement » à la Maison-Blanche et de donner le rythme et le contenu des ré-orientations des politiques.
A son entrée en fonction, chaque Président remodèle le fonctionnement de son administration proche, en accord avec sa vision personnelle de l’exercice du pouvoir, en apportant des correctifs aux dysfonctionnements observés lors du mandat de son prédécesseur. Ainsi, B. Obama se distingue de G. W. Bush avant tout par ce qu’il appelle dans son ouvrage The Audacity of Hope, sa « nouvelle conception de la politique américaine », au travers d’une redéfinition des modalités de prise de décision.
En nommant de fortes personnalités au Conseil de sécurité nationale (à l’image de Dennis Ross, « Monsieur Iran »), Obama a de fait signifié qu’il souhaitait localiser l’impulsion décisionnelle à la Maison-Blanche et mettre fin à la prépondérance du département de la Défense dans l’élaboration de la politique étrangère, une caractéristique des mandats de G.W. Bush, à l’image du poids décisionnel des « civils du Pentagone » à l’époque de Donald Rumsfeld et des commandants militaires.
Ce qui distingue aussi B. Obama de G.W. Bush est son approche à la fois plus collégiale et prudente de la prise de décision - au détriment de la « décision unilatérale et pulsionnelle » dictée par l’événement-, en consultant le plus souvent possible ses conseillers, des experts externes, des universitaires, les militaires, avant de prendre une décision. Les célèbres 94 jours de réflexion qu’Obama s’est autorisé avant d’arrêter sa stratégie pour l’Afghanistan, montrent qu’il a un rapport au temps beaucoup plus réfléchi que son prédécesseur. Tous ceux qui ont critiqué sa démarche, y compris parfois de manière virulente (presse américaine et européenne, certains membres de son administration, militaires et responsables politiques européens), lui reprochant sa lenteur et ses hésitations, auraient dû, au contraire, apprécier ce temps de réflexion avant de prendre une décision d’aussi grande importance.
Si les modalités de prise de décision sont plus collégiales et s’appuient sur l’avis de plusieurs conseillers, Barack Obama ne s’en remet toutefois pas complètement à leur jugement (comme le faisait G.W. Bush) : c’est Barack Obama qui tranche. C’est le cas pour l’Afghanistan, jouant pleinement son rôle de commandant en chef des forces armées américaines ; c’est aussi le cas pour la réforme du système de santé et les questions économiques où Barack Obama porte le programme de création d’emplois et décide d’adopter, au lendemain des élections sénatoriales du Massachussetts, les popositions de l’ancien directeur de la Réserve fédérale des Etats-Unis, Paul Volcker, visant à interdire les activités spéculatives des grandes banques à la source de la crise financière, au détriment de l’approche de régulation plus modérée de son secrétaire d’Etat au Trésor, Timothy Geithner.
En s’engageant personnellement dans ces dossiers, Barack Obama en endosse aussi la responsabilité en cas d’échec : l’expression « the buck stops with me » (la responsabilité commence ici), popularisée par le président H. Truman, fut régulièrement employée par B. Obama pour signifier que le président doit accepter la responsabilité ultime des décisions qu’il prend, un principe qui était étranger à l’action politique de G.W. Bush. Ainsi, la « guerre en Afghanistan » est rapidement devenue « Obama’s War » et Barack Obama sera aussi tenu pour responsable principal en cas d’échec.
De la difficile « dé-Bushification » de la politique étrangère
Si le Président B. Obama a rompu avec G.W. Bush, c’est avant tout dans sa rhétorique, par des déclarations porteuses de symboles forts pour l’opinion publique américaine et le monde : en renonçant à l’expression « guerre contre le terrorisme » pour la remplacer par « guerre contre un réseau de violence et de haine » ; en prononçant son discours du Caire pour mettre fin à l’amalgame entre « terrorisme » et « islam » et effriter la base sociale des groupes extrémistes ; en tendant la main à l’Iran et à la Syrie ; en signant des ordres exécutifs prévoyant la fermeture de la prison de Guantanamo et l’interdiction de la torture dès le lendemain de son investiture le 20 janvier 2009 ; en relançant les négociations avec Moscou et le reste de la communauté internationale sur la non-prolifération et le désarmement nucléaires, Barack Obama a déjà rompu avec l’héritage Bush. Cette rupture symbolique traduit une nouvelle lecture des relations internationales, impulsée par la crise économique et l’échec de l’unilatéralisme américain.
L’« Amérique post-impériale » que décrit Fareed Zakaria ou l’« Obama jeffersonien » que met en lumière Walter R. Mead, traduisent la volonté de Barack Obama de prendre en compte l’avertissement de l’historien Paul Kennedy en 1987 contre les risques d’une « sur-extension impériale » (imperial overstretch) - cette expression décrit la contradiction entre la contraction des ressources économiques des Etats-Unis et la poursuite d’une politique étrangère trop ambitieuse. La décision de Barack Obama de réduire le nombre de troupes en Irak et de ne pas déployer de militaires au Yémen suite à l’incident du 25 décembre 2009, s’inscrit précisément dans cette optique.
En même temps, le « changement » que promeut le président Barack Obama se trouve limité par l’empreinte de la « doctrine Bush » sur la politique étrangère des Etats-Unis, avec laquelle il a conscience de ne pas pouvoir complètement rompre « en temps de guerre », alors que les Américains attendent de leur président qu’il continue à agir avec fermeté. B. Obama avait d’ailleurs souligné, le jour de la présentation de son équipe de sécurité nationale, que, malgré son opposition connue à la guerre en Irak, cela ne l’empêcherait pas de recourir à la force militaire si les intérêts américains étaient menacés, rappelant son discours prononcé en 2002 à Chicago : « je ne suis pas contre toutes les guerres mais contre les guerres stupides ». Le 10 décembre 2009, alors qu’il reçoit le prix Nobel de la paix à Oslo, Barack Obama a rappelé que la guerre était parfois « juste » et nécessaire pour combattre le mal sur la planète et assurer la sécurité des Etats-Unis, tout en déplorant le coût humain élevé des conflits armés.
Entre tradition jeffersonienne et pragmatisme
Barack Obama tente ainsi de concilier sa philosophie jeffersonienne de la puissance américaine (usage prudent de la force militaire, engagement minimal et modéré des Etats-Unis à l’étranger, force de l’« exemple » des Etats-Unis dans le monde comme source de soft power, réduction des troupes en Irak) et sa lecture pragmatique des questions de sécurité (il n’hésitera pas à recourir à la force militaire pour défendre l’intérêt national de son pays, il renforce les troupes militaires en Afghanistan malgré la corruption du gouvernement Karzaï, il engage les Etats-Unis dans le dialogue direct sans conditions avec tous les Etats, y compris les anciens « Etats voyous »). La vision réaliste que Barack Obama porte sur le monde, préconise que ce sont les politiques pratiquées par les Etats et non les caractéristiques de leur système politique, qui constituent une menace pour la sécurité internationale. C’est particulièrement clair en Iran, où B. Obama promeut une politique de non-ingérence absolue dans les affaires politiques intérieures pour se concentrer sur l’« Iran nucléaire ». Le pragmatisme d’Obama rompt ici avec l’idéologie du regime change coercitif promu par G.W. Bush.
La politique étrangère de B. Obama se traduit ainsi par un exercice d’équilibre délicat et permanent entre la tentation d’une approche rigoureuse de la diplomatie et son image d’homme de dialogue. Cet exercice d’équilibre est aussi celui que B. Obama tente de réaliser, dans une optique bipartisane, entre les positions démocrates et républicaines sur les dossiers de politique étrangère. Ainsi, décide-t-il de renforcer les troupes en Afghanistan de 30 000 militaires, décision largement encouragée par les républicains, tout en prenant en compte les inquiétudes des démocrates, en fixant à 2011 la date du début du retrait.
Toutefois, une politique étrangère d’« écoute » (strategic listening) et de dialogue requiert d’autant plus la coopération des autres pays. Or, les provocations iraniennes et nord-coréennes, les caprices diplomatiques de la Chine, son rejet de nouvelles sanctions onusiennes contre l’Iran tout comme les réticences de la Russie à participer à leur élaboration, les tensions avec le nouveau cabinet japonais, la « panne » du processus de paix, le refus de B. Netanyahu de geler les colonisations, les désaccords transatlantiques sur le climat, les bonus, la taxe carbone, la gouvernance mondiale, ne sont pas des signes de coopération en réponse à la politique d’ouverture d’Obama.
Comme nous le rappelle à juste titre Walter Russell Mead, les présidents démocrates jeffersoniens ont, d’un point de vue historique, toujours été la cible de critiques des républicains, leur reprochant leur « faiblesse » en matière de sécurité – à l’image du Président J. Carter dans les années 1970. Barack Obama a conscience de l’usage qui peut être fait de cette théorie et a ainsi montré à plusieurs reprises et délibérément, que le parti démocrate savait aussi réagir avec fermeté sur la scène internationale, tout en laissant sa chance à la diplomatie d’abord.
La redéfinition des instruments de la puissance
Barack Obama sait qu’il ne peut véritablement se distinguer de son prédécesseur qu’en redéfinissant les modalités d’action de sa politique, en trouvant un nouvel équilibre entre un hard power (puissance coercitive) trop longtemps surdimensionné et un soft power (force d’attraction et d’influence) atrophié, pour réinventer les Etats-Unis comme « puissance intelligente » (smart power). Le smart power consiste à utiliser toutes les composantes de la puissance américaine – diplomatie, force armée, renseignement, économie, culture-, en rupture avec la « sur-militarisation » de la politique étrangère américaine sous G.W. Bush ; la smart diplomacy parie sur l’efficacité du dialogue, de la persuasion et de l’influence pour changer le comportement d’Etats déviants. Enfin, Barack Obama préfère le traitement multilatéral des dossiers au détriment de l’unilatéralisme et porte une vision plus réaliste et adaptée à la multipolarité de facto du monde, au détriment du prisme déformant de l’unipolarité.
Dans une certaine mesure, la conceptualisation et les méthodes de politique étrangère sous Obama, se rapprochent de celles de l’Europe. C’est particulièrement vrai en Iran, où la négociation à « double volet » adoptée par Barack Obama, n’est autre que la méthode mise en oeuvre depuis 2003 par la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, articulant dialogue et fermeté (un dialogue politique couplé d’un régime de sanctions pour décourager la politique suivie par le régime iranien). C’est aussi vrai pour l’approche d’Obama de la lutte antiterroriste : au Yémen, Barack Obama déploie une stratégie à deux volets qui se veut « holistique et souple », en s’inspirant de l’approche européenne dite « drain the swamp » (assécher le marais), à la fois préventive et multidimensionnelle : renforcement de la capacité du gouvernement du Yémen à sécuriser son territoire et à lutter contre la menace des groupes extrémistes, couplé d’une augmentation de l’aide au développement économique du pays et à la lutte contre la corruption.
L’enjeu des élections de mi-mandat 2010 et l’importance du vote des indépendants
L’élection du républicain Scott Brown le 20 janvier 2010 aux élections sénatoriales partielles du Massachussetts - historiquement un bastion démocrate-, alimente un climat politique qui n’est pas aussi favorable aux démocrates qu’aux élections de mi-mandat de 2006 et à l’élection présidentielle de 2008. Les démocrates ayant perdu la majorité qualifiée au Sénat, ils ne disposent plus des 60 voix nécessaires pour surmonter le blocage (filibuster) républicain.
L’élection de S. Brown est largement due au vote des indépendants alors que B. Obama avait remporté 57% du vote des indépendants dans le Massachussetts fin 2008. Ces résultats ne doivent pourtant pas être interprétés comme un « référendum contre Obama » : les derniers sondages montrent que pour l’année 2009, 67% des habitants du Massachussetts ont apprécié l’action du président, 10 points de plus que la moyenne nationale (57%). Les sondages montrent toutefois que 52% des habitants du Massachussetts rejettent la réforme de la santé, en vigueur depuis 2007 sur la base d’une loi bipartisane. Les démocrates sont résolus à ne pas renoncer au projet de réforme de santé, car ce serait se présenter aux élections de mi-mandat en novembre sur un échec comparable à celui essuyé par les Clinton en 1994. Ils peuvent recentrer le projet sur les dispositions consensuelles en espérant rallier quelques républicains et améliorer leur stratégie de communication sur sa réforme de santé
Ce sont aussi les indépendants qui ont porté des gouverneurs républicains au New Jersey, Etat traditionnellement démocrate, et en Virginie à l’automne 2009. Rappelons que ce sont les nouveaux votants, les indépendants et les modérés qui ont amené Barack Obama à la Maison-Blanche en novembre 2008, les indépendants votant à 51% en faveur de B. Obama. La volatilité du vote des indépendants et la fluctuation de l’appui des autres catégories de votants à Obama et à ses programmes, sont donc déterminantes pour le résultat des élections de mi-mandat 2010, car ils détiennent l’équilibre des pouvoirs entre le parti démocrate et le parti républicain. Les indépendants ont notamment exprimé leurs frustrations sur plusieurs dossiers, en particulier celui de la santé. Les derniers sondages montrent que 54% des indépendants ont rejoint les républicains dans leur opposition à voter au Congrès pour une réforme du système de santé américain.
Les républicains ont bien préparé leur stratégie 2010, en jouant sur la frustration générale des Américains sur le plan intérieur et en alimentant un climat de peur sur les questions de sécurité nationale (fermeture de Guantanamo, lutte antiterroriste, protection des vols, etc.). La stratégie du parti démocrate se concentre donc sur la préservation des gains obtenus aux élections de 2008, qui se trouvent déjà effrités. Dans ce contexte, les élections de mi-mandat risquent d’être particulièrement compétitives, avec un possible retour en force des républicains.
L’histoire politique américaine nous montre que le parti du président a presque systématiquement vocation à perdre des sièges au Congrès à l’occasion des élections de mi-mandat (sauf en 1998 et 2002). Des présidents populaires ont tendance à minimiser ses pertes ou même à gagner des sièges supplémentaires (G.W. Bush en 2002), tandis que les présidents en perte de popularité, perdent presque toujours des sièges, parfois de manière significative (G.W. Bush en 2006). Une érosion de la popularité de B. Obama en-dessous de 50% entre janvier et novembre 2010, conduirait à des pertes de sièges démocrates au Congrès – cf. H. Truman, L. Johnson, J. Carter, R. Reagan et B. Clinton. En revanche, une augmentation de celle-ci au-dessus de 50%, voire 60% pourrait limiter ces risques.
Deux facteurs seront déterminants pour les élections de mi-mandat : la popularité de Barack Obama et la capacité du parti démocrate à conserver son électorat, notamment parmi les indépendants. Or, la grande majorité des Américains ne sont pas satisfaits de l’état de l’économie américaine, faisant de l’électorat démocrate un ensemble mécontent et fragile. Redonner confiance aux Américains dans leur économie est le défi 2010 de Barack Obama.
Voir aussi du même auteur l’article sur la smart diplomacy en Iran, publié par www.boulevard-exterieur.com et disponible également sur http://www.ceri-sciencespo.com/archive/2009/octobre/art_ahs.pdf).