Bonnes et mauvaises notes pour la diplomatie européenne

Un « think tank », The European Council on Foreign Relations, a noté l’action de diplomatie européenne en 2010. Il lui accorde un satisfecit sur les questions multilatérales, en particulier sur sa politique à l’égard de l’Iran et de la non-prolifération. En revanche, il constate son échec dans le domaine des droits de l’homme en Chine et en Russie. 

Accaparée par la crise de l’euro, l’Union européenne n’a pas joué un rôle très actif, au cours des derniers mois, en matière de politique étrangère. Elle a mis en place, en application du traité de Lisbonne, son nouveau service d’action extérieure, au prix de longues et difficiles tractations internes, mais ne l’a pas encore vraiment utilisé pour intervenir sur la scène internationale, comme l’a confirmé son attentisme face aux révolutions dans le monde arabe. « L’année 2010 n’a pas été une grande année pour la politique étrangère de l’Europe », estime l’European Council on Foreign Relations (ECFR), l’un des principaux « think tanks » spécialisés dans les relations internationales, qui publie une évaluation de la diplomatie européenne dans ses différents domaines d’activité.

Le document établi par l’ECFR distingue six grands chapitres. Quatre concernent les relations de l’Europe avec la Chine (1), la Russie (2), les Etats-Unis (3) et les pays d’Europe extérieurs à l’UE, y compris la Turquie (4). Les deux autres portent sur la gestion de crise (5) et sur les questions multilatérales (6). L’action de l’Union européenne dans ces six secteurs est notée en fonction de trois critères : l’unité des Européens, les efforts qu’ils ont consentis et les résultats qu’ils ont obtenus.

Réussite sur les questions multilatérales

De ces six domaines, celui dans lequel l’Europe a le mieux réussi concerne les questions multilatérales (politique au sein du G20 et du G8, réforme des institutions de Bretton Woods et de l’ONU, droits de l’homme, action humanitaire, changement climatique, non-prolifération, développement et commerce) : les chercheurs de l’ECFR lui décernent la note de 14 sur 20, soit, dans la notation anglo-saxonne, la note B+. Les trois domaines dans lesquels elle a échoué intéressent les relations avec la Russie (10/20 soit C+), avec la Chine (9/20 soit C+) et avec l’Europe non communautaire (9/20 soit C+). Les deux autres thèmes (le gestion de crise et les relations avec les Etats-Unis) obtiennent des scores intermédiaires : 11/20 soit B-.

Lorsqu’on entre dans le détail des politiques, on constate que celles qui bénéficient des notes les plus élevées sont les relations avec les Etats-Unis sur le terrorisme aussi bien que sur l’Iran et la prolifération (18/20 soit A), ainsi que la libéralisation des visas avec les Balkans occidentaux (même note), suivies de la politique européenne au sein de l’OMC (17/20 soit A-) et de la politique européenne sur l’Iran et la prolifération (même note). Viennent ensuite l’accord avec la Chine sur les normes et la protection des consommateurs (16/20 soit A-), les relations avec la Russie sur l’Iran et la prolifération (même note) et la réponse au tremblement de terre d’Haïti (même note).

Les politiques qui reçoivent les notes les plus basses sont l’Etat de droit et les droits de l’homme en Chine (5/20 soit D+), les relations avec la Chine et le Dalaï-Lama sur le Tibet (même note) et les relations avec la Turquie (même note). Juste au-dessus viennent la liberté de la presse en Russie (6/20 soit C-), la stabilité et les droits de l’homme dans le Nord-Caucase (même note), les relations avec la Russie au sein du G20 (même note), la gestion de crise au Kyrgyzstan (même note). 

Divisions sur la Chine, la Russie, la Turquie

Le rapport met également l’accent sur les politiques qui divisent le plus les Européens et sur celles qui les divisent le moins. Parmi les premières figurent les relations avec la Chine et le Dalaï-Lama sur le Tibet, l’Etat de droit et les droits de l’homme en Chine, les relations avec la Turquie, la gestion de crise en Macédoine, la politique européenne au G20 et au G8, la stabilisation et la construction de l’Etat en Afghanistan, la diversification des voies d’approvisionnement en gaz, les relations avec les Etats-Unis sur l’OTAN mais aussi sur le contrôle des armements et sur la réforme économique et financière.

Les politiques les plus consensuelles concernent la stabilisation et la construction de l’Etat en Irak, les relations avec les Etats-Unis sur le changement climatique, les relations avec l’Est de l’Europe en matière de commerce et d’énergie, les relations avec la Chine sur l’Iran et la prolifération, la stabilisation de la frontière géorgienne, les relations avec les Etats-Unis sur le terrorisme comme sur l’Iran et la prolifération.

Enfin, le document évalue les thèmes majeurs des politiques européennes, en regroupant les données réparties entre les six chapitres. Vient en tête la politique sur l’Iran et la non-prolifération (16/20 soit A-), suivie de la libéralisation du commerce (13/20 soit B), de la politique à l’égard des Balkans (12/20 soit B-), de la lutte contre le changement climatique (même note). Viennent en fin de classement les dossiers du conflit israélo-palestinien (9/20 soit C+), du G20 (8/20 soit C) et des droits de l’homme (même note).

Trois grands défis pour 2011

Pour les auteurs du rapport, l’Union européenne n’agit efficacement que lorsqu’elle est unie ou qu’elle est poussée par un premier échec (Cancun après Copenhague, l’Iran après l’Irak, les Balkans) ou encore qu’un pays ou un groupe de pays jouent le rôle de leader. Elle échoue lorsqu’elle est divisée ou qu’elle ne consacre pas assez d’efforts à son action ou encore lorsqu’elle se heurte à un environnement défavorable. Pour l’année 2011, le document relève trois grands défis, qui peuvent être pour l’Union européenne la source de difficultés ou l’occasion de rebondir : les tribulations de la zone euro, les révolutions dans le monde arabe et la gouvernance mondiale.

http://www.ecfr.eu/page/-/ECFR_SCORECARD_2010_PDF.pdf