Après la grogne, les sourires. La présentation des lettres de créance du nouvel ambassadeur chinois à Washington, Zhang Yesui, a donné l’occasion à Barack Obama de prononcer quelques paroles aimables à l’intention de Pékin. Les relations Etats-Unis-Chine sont globales et importantes pour déterminer ce que sera le XXIè siècle, a déclaré en substance le président américain. Ces paroles ont été immédiatement relevées avec satisfaction par les dirigeants chinois. Comme si de chaque côté, l’heure était à la désescalade, après des mois de frictions.
La visite de Barcak Obama à Pékin, à la fin de l’année dernière, n’avait pas été un franc succès. Non seulement, aucune décision concrète n’avait été prise mais les Chinois avaient marqué une distance évidente, presque discourtoise, vis-à-vis du chef de la Maison blanche.
Depuis le mois de janvier, les incidents s’étaient multipliés. D’abord, il y avait eu l’annonce des ventes d’armes à Taïwan. Ce n’était pas une surprise, c’était même un classique dans la politique de chaque président américain, mais Pékin avait saisi l’occasion pour manifester un mécontentement plus marqué que les fois précédentes. En février, l’entrevue accordée par Barack Obama au dalaï-lama, même si le protocole avait été réduit au minimum, avait déclenché l’ire des Chinois. Puis il y a eu l’épisode Google qui a fermé son site chinois pour ne plus se soumettre à la censure du pouvoir communiste. La polémique récurrente sur le niveau du yuan, que les Américains estiment sous-évalué, ce qui permettrait à la Chine de subventionner indirectement ses exportations et expliquerait le déséquilibre de la balance commerciale entre les deux pays au détriment des Etats-Unis, a encore alourdi le climat. D’autant plus que les Américains s’apprêteraient à accuser officiellement les Chinois de « manipuler » leur monnaie.
Aucune de ces divergences n’a disparu. Cependant, les deux côtés semblent s’être mis tacitement d’accord pour les faire passer au deuxième plan, en tous cas pour ne pas les transformer en déterminants essentiels des relations.
« Une seule Chine »
Ce qui compte pour les dirigeants de Pékin, c’est la réaffirmation de la « politique d’une seule Chine » qui a été à la base de l’établissement des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et la République populaire, dans les années 1970. Après une visite à Pékin, le sous-secrétaire d’Etat américain, James Steinberg, a rappelé ce principe, qui implique notamment le refus par les Etats-Unis de reconnaître l’indépendance de Taïwan ou du Tibet.
Washington attend de cette baisse de tension avec Pékin un soutien chinois à de nouvelles sanctions contre l’Iran. La secrétaire d’Etat Hillary Clinton a déclaré que la Chine lui semblait prête à faire des « suggestions » à ce sujet dans les prochaines semaines. Officiellement, les Chinois continuent de donner la priorité à la voie diplomatique sur des sanctions mais le porte-parole du ministère des affaires étrangères de Pékin a apporté une précision qui pourrait ouvrir la voie à un compromis avec les exigences américaines : « La Chine, et probablement la Russie, a-t-il dit, ne soutiendront pas des sanctions plus dures qui empêcheraient le développement normal de l’économie iranienne ». Une telle formulation laisse ouverte la possibilité d’un soutien chinois à d’autres types de sanctions plus ciblées.
Le test de l’état des relations sino-américaines sera apporté lors du sommet sur la sécurité nucléaire organisé à Washington les 12 et 13 avril par Barack Obama. A quel niveau la Chine sera-t-elle représentée ? Si le président Hu Jintao fait le déplacement, ce sera le signe, comme l’écrit le politologue Charles Kupchan dans le New York Times, que malgré leurs divergences, « les deux pays ne sont pas sur la trajectoire d’une collision géopolitique ».