Carnets de Pékin (16) : vers une réévaluation du yuan ?

La visite impromptue à Pékin du secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, jeudi 8 avril, a relancé les spéculations sur une réévaluation prochaine de la monnaie chinoise, le yuan. Les officiels chinois continuent d’affirmer qu’une réévaluation « massive » ne serait dans l’intérêt ni de la Chine des Etats-Unis, mais le débat se poursuit et des aménagements semblent possibles.

Il y a la forme et le fond. Cette fois, les deux semblent concorder. Après les tensions de ces dernières semaines entre Washington et Pékin, à propos des ventes d’armes américaines à Taïwan, la visite du dalaï-lama à la Maison blanche, le départ de Google de Chine et les polémiques sur la « sous-évaluation » du yuan, le ton s’est brusquement adouci. Le report de la publication du rapport du département du Trésor, prévu pour le 15 avril, qui pourrait accuser Pékin de « manipuler » sa monnaie, a offert l’occasion aux Chinois de changer de langage, sans risquer de perdre la face.

L’annonce de la participation du président Hu Jintao au sommet sur la sécurité nucléaire organisé par Barack Obama les 12 et 13 avril, a souligné la volonté des deux pays de relancer leur coopération.

Sur le fond, rien n’est décidé mais tout paraît possible. Les Chinois continuent d’affirmer que le niveau du yuan n’est pour rien dans le déséquilibre de la balance commerciale. Les problèmes des Etats-Unis ont leur origine, disent-ils, dans la politique américaine elle-même. D’autre part, la Chine reste un pays pauvre et il n’est pas question de pénaliser les consommateurs chinois en renchérissant le prix des produits importés. Il n’est donc pas question d’une réévaluation « massive et immédiate » du yuan, dit-on officiellement. Ce qui ne veut pas dire qu’une appréciation progressive et limitée de la monnaie chinoise serait exclue par les autorités politiques et la Banque centrale.

Le débat qui doit avoir lieu dans les sphères dirigeantes se reflète dans la presse. Des experts pèsent le pour et le contre des divers arguments, laissant ainsi entendre que la position officielle n’est pas immuable. Le ministère du commerce extérieur est naturellement opposé à un changement du cours.

Entre 2005 et 2008, la valeur du yuan a augmenté de plus de 20% par rapport au dollar, la monnaie de référence. Avant même la crise économique, les autorités de Pékin avaient réduit les marges de fluctuations (plus ou moins 0,5 point par rapport au taux pivot). La crise ne les a pas incités à revenir sur cette décision. Ils pourraient y être maintenant prêts. Sans décider officiellement une réévaluation du yuan – ce qui donnerait l’impression qu’ils cèdent à la pression —, ils pourraient laisser flotter leur devise dans des marges élargies. Une telle mesure n’aurait pas que des inconvénients pour la Chine. Alors que l’inflation menace, tirée par la flambée des coûts de l’immobilier, les conséquences de la sécheresse exceptionnelle dans le sud-ouest du pays et l’afflux de dollars provenant de l’achat des bons du Trésor américains, une légère réévaluation du yuan permettrait de contenir la hausse des prix.

A l’issue des entretiens entre Timothy Geithner et Wang Qishan, vice-premier ministre chargé de l’économie, le communiqué laconique ne dit pas si les deux responsables ont parlé monnaie. Du côté chinois, il est clair que toute mesure, quelle qu’elle soit, sera présentée comme une décision unilatérale et souveraine de leur gouvernement.