Par rapport aux négociations russo-américaines sur la réduction des armements nucléaires stratégiques, la Chine a une position tout à fait comparable à celle de la France. Bien que l’annonce de la signature prochaine, à Prague, du nouveau traité START qui fait suite à l’accord de 1991 arrivé à échéance en décembre 2009, n’ait pas donné lieu à des commentaires immédiats dans la presse chinoise, la position de Pékin peut se résumer comme suit : c’est très bien que la Russie et les Etats-Unis s’entendent pour réduire leurs arsenaux nucléaires mais cela les regarde. Cela ne concerne pas les puissances nucléaires moins importantes, sous-entendu la Chine, mais aussi la France ou la Grande-Bretagne, car ces dernières disposent d’une quantité de missiles et de têtes nucléaires comparable en rien avec le potentiel des deux principales puissances. On estime, par exemple, que la Chine possède quelque 300 missiles intercontinentaux.
C’est la position constante des dirigeants chinois depuis le début des années 1960, depuis aussi qu’ils ont fait exploser leur première bombe A en 1963. La doctrine officielle chinoise veut que le pays « ne participe pas à la course aux armements », qu’il ne possède qu’une « petite quantité d’armes nucléaires pour son autodéfense », qu’il n’en déploie pas à l’étranger et qu’il s’interdit d’attaquer avec des armes nucléaires un pays qui n’en possède pas, même s’il se réserve le droit de riposter avec le feu atomique à l’agression d’une puissance nucléaire.
D’autre part, la Chine est pour « interdire complètement et détruire totalement au plus tôt » toutes les armes nucléaires existant dans le monde. La vision à long terme présentée l’année dernière par Barack Obama dans son discours de Prague devrait donc convenir parfaitement à Pékin.
Mais le ministre des affaires étrangères Yang Jiechi vient de le réaffirmer à Genève, les Etats-Unis et la Russie ont dans cette affaire « une responsabilité spéciale ». Parce qu’ils sont dotés du plus grand arsenal nucléaire, les deux pays doivent procéder « en premier » à des réductions drastiques. Pour créer, a-t-il ajouté « les conditions nécessaires à l’éventuel désarmement nucléaire complet et global. » Il sera temps alors de s’intéresser aux arsenaux des puissances nucléaires « secondaires ».
Partenariat stratégique avec Moscou
L’accord russo-américain sur START revêt cependant un deuxième aspect qui intéresse, voire inquiète, la Chine : il marque un rapprochement entre la Russie et les Etats-Unis et la possibilité de « remettre à zéro » (reset) les relations entre les deux pays. Alors que ses rapports avec les Etats-Unis traversent une phase délicate, Pékin ne veut pas faire les frais d’une éventuelle détente Moscou-Washington. Au temps de la guerre froide et du schisme sino-soviétique, Henry Kissinger disait que Pékin et Moscou ne devaient jamais avoir de meilleures relations entre elles que les Etats-Unis avec l’un et l’autre. Les dirigeants chinois semblent guidés par le même principe. Aussi insistent-ils sur l’amélioration de leurs rapports avec la Russie, sur le développement du « partenariat stratégique » avec Moscou, dans tous les domaines, y compris entre les partis, le Parti communiste chinois d’une part, Russie unie, le parti de Vladimir Poutine qui domine la vie politique russe, d’autre part.
Le vice-président Xi Jinping, qui pourrait être appelé à remplacer le président Hu Jintao en 2012, n’a pas manqué de rappeler cette volonté de coopération, cette semaine lors d’une visite à Moscou. Il est vrai qu’il était en tournée en Europe du nord, mais ce n’est pas un hasard si la presse chinoise a insisté sur l’accueil chaleureux qu’il a reçu en Russie.