Catherine Ashton, the right woman at the right place ?

Catherine Ashton est entrée en fonction voilà presque deux ans, comme quasi-ministre des affaires étrangères de l’Union européenne, en même temps que le traité de Lisbonne créait ce nouveau poste. Epaulée par le Service européen d’action extérieure (SEAE), mais critiquée pour son manque de charisme, elle essaie de se faire une place au milieu de ses vingt-sept collègues chefs des diplomaties des Etats membres, .

Hillary Clinton a fait, au mois d’octobre, une tournée d’adieux dans les Balkans occidentaux en compagnie de Catherine Ashton. La chef de la diplomatie européenne en compagnie de la secrétaire d’Etat américaine. Une sorte de consécration après presque deux années passées à tenter de s’imposer à tous les niveaux : parmi les Vingt-sept, dans le monde mais aussi au sein de la Commission, dont elle est vice-présidente. En vertu de la « double casquette » voulue par le traité de Lisbonne, Catherine Ashton a un pied dans le Conseil européen, aéropage des Etats, et un pied dans le communautaire.

Elle a dû surmonter deux types d’obstacles et il n’est pas sûr qu’elle y soit déjà parvenue. D’une part, elle devait organiser le Service européen d’action extérieure, sorte d’appareil diplomatique composé de bric et de broc de diplomates venus des Etats membres, de fonctionnaires de la Commission et de collaborateurs du secrétariat général du Conseil. Au total 1500 personnes auxquelles s’ajoutent les 2000 représentants dans les d’ambassades que l’UE entretient dans une centaine de pays. Le SEAE a vu le jour, en même temps que la révolution tunisienne. « Nous avons tout de suite été dans le bain », note un des acteurs.

D’autre part, elle devait trouver sa place auprès de ses vingt-sept collègues, ministres des affaires étrangères des Etats membres (bientôt vingt-huit avec l’arrivée de la Croatie). Ces derniers cachaient à peine, il y a deux ans, qu’ils l’avaient choisie, convaincus qu’elle ne leur ferait pas d’ombre. C’était surtout le cas des chefs de la diplomatie des « grands » pays, bien décidés à poursuivre leur politique étrangère nationale sans trop se soucier des contraintes européennes. S’ils n’ont pas fondamentalement changé d’avis, ils assument leurs contradictions. Ils encouragent Catherine Ashton à prendre des initiatives tout en l’avertissant qu’ils fustigeront son interventionnisme.

Le dilemme dans lequel est placée la Haute représentante explique en grande partie la discrétion qui lui est reprochée. L’autre raison tient dans les divergences qui continuent entre les Etats sur les grands dossiers de politique étrangère. Catherine Ashton et le SEAE, dirigé par son adjoint, le Français Pierre Vimont, doivent souvent concilier l’inconciliable, trouver une voie moyenne entre les positions extrêmes des uns et des autres sans pour autant s’en tenir au plus petit dénominateur commun. Eviter de choquer certains Etats membres tout en faisant entendre leur petite musique dans des synthèses originales. Au début, c’était plus facile, maintenant un sentiment de jalousie se fait jour.

Les relations sont finalement plus compliquées avec la Commission. Celle-ci a perdu un peu plus d’une direction, transférée au SEAE, ce qu’aucune institution n’accepte volontiers. Très occupée par son rôle de Haute représentante, Catherine Ashton ne consacre pas assez de temps à ses fonctions de vice-présidente de la Commission, une abstention dont profitent les autres commissaires pour occuper l’espace.

Limitée à la seule fonction diplomatique, la « double casquette » qui était censée dépasser le fossé entre le communautaire et l’intergouvernemental n’a pas fait ses preuves. Dans une des propositions de travail franco-allemande en vue du Traité constitutionnel, cette double appartenance aurait aussi (et surtout ?) concerné le président de la Commission et le président du Conseil européen, qui aurait été un véritable président de l’Europe. L’audace était sans doute prématurée. Mais la situation du Haut représentant pour la politique extérieure commune pourrait être encore plus inconfortable si une « coopération structurelle renforcée » voyait le jour en matière de diplomatie et/ou de défense. Le titulaire du poste risquerait alors d’être tiraillé entre plus de deux allégeances.