C’est un paradoxe mais concernant le Moyen-Orient, la politique du nouveau président américain pourrait avoir un point commun avec celle de George W. Bush. Le président sortant était convaincu que les divers conflits de la région se tiennent et qu’il n’est pas possible de penser régler l’un sans apporter des solutions aux autres. Selon lui, la chute de Saddam Hussein en Irak était le premier pas vers la résolution du problème israélo-palestinien. Notre route commence à Bagdad, disait-il en substance, mais la dernière étape devait être Jérusalem.
Cercle vertueux
Si l’on en croit les avis qui s’élèvent dans son entourage et dans les milieux spécialisés, Barack Obama pense aussi que seule une approche globale peut permettre des progrès dans la région moyen-orientale. Toutefois, sa politique devrait avoir deux différences fondamentales avec celle de son prédécesseur : il ne mise pas d’abord sur l’option militaire et il entend traiter toutes les questions simultanément, pour essayer de mettre en marche un cercle vertueux. « Le succès n’est pas assuré, explique Dennis Ross, un vétéran de la diplomatie proche-orientale qui a travaillé avec George Bush père, puis avec Bill Clinton, et qui pourrait jouer encore un rôle dans l’équipe Obama. Mais si vous ne parlez pas avec des régimes sur lesquels vous ne nourrissez aucune illusion, vous êtes sur qu’il n’y aura jamais d’accord ».
Comment créer une interaction positive entre les différentes sources de tension et d’affrontements ? Telle est la question que devra résoudre la prochaine administration.
Construire un nouvel environnement régional
Le premier élément de réponse se trouve en Irak. Profitant du succès relatif du « surge » (l’escalade mise en œuvre début 2007 par le général Petraeus), Barack Obama va pouvoir mettre à exécution sa promesse de retirer le gros des troupes américaines dans les seize mois. L’Irak ne sera plus au centre de la politique moyen-orientale de Washington.
Vis-à-vis de l’Iran, le nouveau président pratiquera la politique de la carotte et du bâton mais contrairement à George W. Bush, ce ne seront pas une petite carotte et un petit bâton. Les propositions de dialogue et autres incitations à abandonner l’enrichissement de l’uranium dans la perspective de fabriquer une arme nucléaire seront accompagnées de garanties sur le respect du régime des mollahs et sur la place de l’Iran dans la région.
En revanche, Washington pourrait décider une aggravation des sanctions si Téhéran fait la sourde oreille. Malgré un certain scepticisme sur l’efficacité des sanctions économiques, les experts pensent que celles-ci devraient plus douloureuses avec un baril de pétrole au-dessous de 40 $. Sans renoncer d’emblée à l’option militaire, l’objectif, dit Dennis Ross, est de construire un environnement régional dans lequel les mollahs ne verront plus l’intérêt à se doter de l’arme nucléaire, ou alors à un coût si élevé que le régime pourrait être mis en danger.
« Changer la dynamique », tel pourrait être le mot d’ordre de la nouvelle politique américaine au Moyen-Orient. La réussite suppose de rompre un cercle vicieux, que Dennis Ross décrit ainsi : au Moyen-Orient, quand vous êtes fort, vous n’avez pas besoin de faire des compromis ; quand vous êtes faible, vous ne pouvez pas vous le permettre.
Ecouter les Palestiniens
Comment convaincre les divers protagonistes que la paix n’est pas un jeu à somme nulle, en particulier les Israéliens et les Palestiniens ? Chercheur au Council on Foreign Relations de New York, Walter Russel Mead propose aux responsables américains de moins concentrer leurs efforts sur les Israéliens que sur les Palestiniens et sur leurs demandes. Sans bien sûr négliger l’objectif numéro un d’Israël, à savoir sa sécurité, les Américains devraient, dit-il, mieux tenir compte des préoccupations des Palestiniens. C’est le seul moyen de garantir la légitimité d’un éventuel accord aux yeux de la population palestinienne.
Il y a, explique encore Mead, un déséquilibre entre les exigences posées aux uns et aux autres. Au début du processus, les Palestiniens doivent reconnaître Israël sans rien obtenir en contre-partie qu’un début des négociations. A la fin du processus, ce sont les Israéliens qui seront appelés à consentir le gros des concessions ; retrait des territoires, démantèlement des colonies, reconnaissance d’un Etat palestinien, dont ils ne sont pas sûrs qu’il sera en mesure de tenir ses engagements.
C’est pourquoi les Etats-Unis, et la communauté internationale dans son ensemble, devraient rassurer les Palestiniens sur la durée des négociations et la nature des objectifs finaux, et garantir aux Israéliens qu’ils feront tout pour que l’Etat palestinien ne soit pas une base de départ pour des attentats contre l’Etat juif (contrairement à ce que sont devenus le Sud-Liban et Gaza après le retrait unilatéral de Tsahal).
Si l’on ajoute que l’administration Obama devrait être disposée à reprendre langue avec la Syrie et que les contacts entre la Syrie et Israël sous l’égide de la Turquie ont permis d’enregistrer quelques progrès, la remise en route du processus de paix israélo-arabe compléterait l’arsenal des moyens de pression sur l’Iran. Il permettrait de montrer que le régime des mollahs risque de se retrouver isolé et de perdre de son influence dans la région si ses alliés Hezbollah et Hamas sont affaiblis. Donc qu’il est dans son intérêt de négocier sérieusement avec Washington, y compris sur le nucléaire.