Ce 9 novembre 2009, le temps d’un anniversaire, nous serons 500 millions de Berlinois.
Citoyens de 27 États appartenant à une construction politique et économique inédite, mais qui
ne fait pas rêver et qui génère même de l’abstentionnisme électoral, nous n’avons peut-être pas toujours conscience de ce que nous devons à la chute du Mur de Berlin.
L’événement le plus symbolique de l’année 1989, précédé de revendications non violentes en
Pologne, dans les États baltes et en Bulgarie, suivi de manifestations de rues en Tchécoslovaquie et en Roumanie et surtout, fin 1991, de l’effondrement de l’Union soviétique, a pourtant recomposé le continent, conduit à l’adoption de l’euro et donné une dimension nouvelle, dans tous les sens du terme, à la construction européenne.
1989 marque la fin de la division de l’Europe de 1945. L’Allemagne a été réunifiée après plus
de 40 ans de séparation imposée par la guerre froide. Elle est devenue en 1990 le pays le plus
peuplé et la première économie de la CEE, obligeant par la suite aux rééquilibrages que l’on
sait, entraînant pour ce pays des responsabilités nouvelles, causant des craintes, modifiant certainement les jeux de pouvoirs. La Communauté européenne est passée de 12 États membres en 1989, à 15 en 1995 (Autriche, Finlande, Suède), à 25 en 2004 (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie) et 27 en 2007 (Bulgarie, Roumanie).
Ces « élargissements » successifs de l’Union européenne, accompagnés de l’intégration d’anciens pays communistes dans l’OTAN, ont eu des conséquences multiples, pas
seulement organisationnelles et relationnelles (à l’égard de la Russie et du reste du monde).
Ils sont à l’origine d’incompréhensions dans les opinions publiques de l’Ouest, voire de rejets. La perspective d’une adhésion de la Turquie s’en trouve toujours repoussée.
L’Europe réunifiée a aidé les « nouveaux » à moderniser leurs infrastructures et à dynamiser
leur développement dans le cadre d’une économie de marché. L’ensemble consolidé est devenu, de ce fait, la première puissance économique de la planète, le premier importateur et le premier exportateur. Le traité de Maastricht, constitutif de l’Union européenne, entérine notamment en 1992 la création de la monnaie unique. La théorie selon laquelle le président français François Mitterrand avait fait de l’euro une condition de la réunification allemande est aujourd’hui contestée. En revanche, il est un fait que le chancelier Helmut Kohl a joué un rôle décisif pour expliquer à des concitoyens réticents les raisons de remplacer la monnaie nationale, le Deutsche Mark, par la monnaie européenne.
Aujourd’hui, 16 États sur 27 partagent l’euro qui est devenu la deuxième monnaie mondiale.
Avant 1989, plus de 120 millions d’Européens aujourd’hui dans l’Union se trouvaient à l’est du
rideau de fer. Ils ne pouvaient ni s’exprimer, ni se déplacer librement. Il y a de cela 20 ans seulement ! Les peuples opprimés, aidés par le réformisme de Gorbatchev, ont eu le mérite de se soulever. Les militants du syndicat Solidarnosc, les nombreux Allemands de l’Est fuyant la RDA et cherchant refuge dans les ambassades ouest-allemandes à Budapest, Varsovie et Prague, les deux millions de Baltes formant une chaîne humaine de 600 km entre Tallinn, Riga et Vilnius, tous avaient une même aspiration à la liberté, au droit, à la démocratie. Ces valeurs, n’en déplaise aux électeurs les plus blasés, constituent le socle de l’Union européenne. La tentative de doter celle-ci d’une Constitution a échoué. Après huit ans de tergiversations, de renoncements (drapeau et hymne européens ont été retirés des textes) et d’opt out (concédés à la Pologne, à la République tchèque et au Royaume Uni), on aura, le 1er décembre 2009, un nouveau Traité censé mieux faire fonctionner l’Union élargie. La machinerie institutionnelle est donc relancée, et il ne suffit pas de vouloir « une Europe ambitieuse ». L’Europe n’affiche pas vraiment d’autre ambition pour les 20 prochaines années que de faire face, du mieux qu’elle pourra, au cumul des défis : économique, social, démographique, climatique, énergétique, géopolitique. On ne sent pas de volonté de faire tenir à l’Europe la place qu’elle pourrait se donner, celle d’une puissance pacifique mais effective, stabilisatrice mais respectée, dans un monde qui n’est plus bipolaire, comme en 1989, mais multipolaire et pas du tout bienveillant. On attend un sursaut.