Centrafrique : les chefs religieux appellent à la paix

Les responsables des communautés protestante, catholique et musulmane se sont rendus dans plusieurs capitales européennes pour demander un soutien militaire, politique et humanitaire. Ils se sont dits satisfaits de leur rencontre avec François Hollande.

es autorités religieuses de la République centrafricaine ont décidé d’unir leurs efforts pour tenter de mettre fin au cycle des violences qui déchirent le pays. Dans un Etat où les protestants représentent 45 % de la population, les catholiques 35% et les musulmans 15 %, les dirigeants des trois communautés ont choisi d’aller ensemble à la rencontre de leurs compatriotes pour prêcher l’apaisement et la réconciliation. Ils ont également entrepris une vaste tournée européenne pour demander le soutien des capitales visitées et plaider pour la mise en place d’une mission de l’ONU.

En l’absence du pasteur Nicolas Guerekoyamé-Gbangou, retenu en Centrafrique par les obsèques de sa fille, l’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, et l’imam Oumar Kobine Lamaya, président de la communauté islamique, ont été reçus par François Hollande, le 23 janvier, avant de répondre, le lendemain, aux questions de la presse diplomatique. Ils estiment avoir été entendus par le président français, dont ils attendaient la promesse d’accroître les forces militaires déployées à Bangui, ce qui sera fait grâce à l’aide de l’Union européenne, et de venir en aide à une population « prise en otage par des groupuscules », selon l’expression de l’archevêque de Bangui.

La rencontre des deux ecclésiastiques avec François Hollande a eu lieu le jour même de l’investiture de Catherine Samba-Panza, élue à la présidence transitoire du pays. Le président français a vu dans cette élection un « signe d’espoir », espoir que « la réconciliation va pouvoir s’engager » et que « la sécurité va pouvoir être progressivement rétablie ». L’archevêque de Bangui a souligné devant les journalistes la « crédibilité » de la nouvelle présidente, qui sera chargée de préparer des élections auxquelles elle ne pourra pas elle-même se présenter. Il a souhaité qu’elle bénéficie d’une aide financière importante, notamment pour payer les salaires, et « que le peuple se lève pour la soutenir ». Il a souligné l’urgence de reconstruire l’Etat.

Les deux dirigeants religieux ont l’un et l’autre mis en cause les « mercenaires » venus du Tchad et du Soudan qui ont répandu la haine entre les communautés en instrumentalisant les musulmans. « Ce n’est pas la population dans son ensemble qui est responsable des massacres, mais des extrémistes », précise l’imam, qui a décrit son pays comme « une poudrière » et appelé au « désarmement ». L’archevêque exprime la crainte que la Centrafrique ne devienne un espace où affluent les islamistes radicaux sous prétexte de venir au secours des musulmans. Il insiste sur la nécessité de protéger la communauté musulmane.

Les deux hommes écartent l’hypothèse d’une partition du pays entre chrétiens et musulmans. Leur volonté, dit l’imam, est de « garantir l’intégrité du territoire centrafricain ». « Le conflit en Centrafrique, ajoute-t-il, n’est pas religieux. Nous ne voulons pas que les religions soient instrumentalisées pour provoquer un désastre dans le pays ». Les musulmans ne se sentent-ils pas délaissés par le pouvoir central ? « Si chacun devait prendre les armes pour que le pouvoir central s’occupe davantage de sa région, répond-il, le pays ne cesserait d’être embrasé ». L’archevêque a rappelé que les musulmans et chrétiens ont toujours vécu ensemble dans un Etat laïque. Pour lui, le principe numéro un, c’est la Constitution, ce n’est pas la religion. L’Etat a pour règle première la neutralité : il doit « protéger les deux communautés ». « Nous sommes tous soumis à la loi », dit-il en appelant à la formation d’une armée « républicaine », et non « clanique » ou « tribale ».

Les deux religieux envisagent-ils d’exercer une fonction politique dans la transition ? Non, disent-ils. Ce n’est pas notre rôle, souligne l’archevêque. « Nous sommes des bergers, nous avons des brebis à protéger, nous n’avons pas d’ambitions politiques », confirme l’imam. Faudra-t-il faire payer les coupables une fois la paix revenue ? « Ceux qui ont commis des fautes devront répondre de leurs actes », estime l’archevêque. L’imam parle de « vérité, justice et réconciliation ». Nous devons « chercher ce qui nous rassemble », dit-il encore, et non « ce qui nous divise ».