Chevènement expose sa vision de l’Europe

L’ancien ministre appelle l’Union européenne à rompre avec la monnaie unique et à s’élargir à la Russie pour rendre au vieux continent la place qu’il a perdue dans le monde après les deux grandes guerres du XXème siècle.

Affaiblie par deux guerres mondiales, l’Europe subit désormais l’histoire plus qu’elle ne l’a fait, estime l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, aujourd’hui sénateur du Territoire de Belfort et président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC). Pour retrouver sa place dans le monde, elle doit changer de méthode et construire, en rupture avec l’Europe de Jean Monnet, une confédération européenne élargie à la Russie. Auteur de 1914-2014 L’Europe sortie de l’histoire ? (Fayard), M. Chevènement a développé ses idées, au micro de Fréquence protestante (FM 100.7), dans l’émission « Parcours européen », samedi 21 décembre. Celle-ci peut être écoutée sur le site Internet de la station, à l’adresse www.frequenceprotestante.com.

Les conflits du XXème siècle, que M. Chevènement appelle aussi la « guerre de trente ans », commencée en 1914, achevée en 1944, ont « largement détruit l’Europe », explique-t-il. Depuis soixante-dix ans, celle-ci cherche à se reconstruire mais elle le fait sur de mauvaises bases, à travers la Communauté puis l’Union européenne, « à l’ombre de la tutelle américaine » et par la « marginalisation », voire la « démonisation », des nations. Résultat : une Europe « extrêmement technocratique et peu démocratique », qui n’apporte ni la prospérité ni la puissance ni même la paix, comme elle n’avait promis, mais plutôt le chômage, une « totale impotence stratégique » et la perspective d’une « nouvelle guerre froide ».

Les Européens ont confondu, selon l’ancien ministre, nations et nationalismes. Ce ne sont pas les nations, dit-il, qui ont provoqué la première puis la seconde guerre mondiale mais la volonté des élites dirigeantes allemandes. M. Chevènement redoute que les commémorations du centenaire, en 2014, ne soient, une fois de plus, l’occasion de jeter le discrédit sur la nation. C’est la première mondialisation qui a conduit, selon lui, à l’affrontement de 1914, en modifiant la hiérarchie des puissances. Il faudrait éviter que la deuxième mondialisation se termine de la même manière.

Si l’Europe a échoué, selon M. Chevènement, c’est en partie parce qu’elle a fait, il y a vingt ans, le choix de la monnaie unique, « qui ressemble à un tonneau des Danaïdes » et à laquelle il conviendrait de substituer, « par la voie négociée », un mécanisme de monnaie commune. Encore faudrait-il que les Européens prennent conscience du « péché capital » qu’a été l’adoption de l’euro, dont l’un des effets a été d’accroître l’hétérogénéité des économies nationales. Il est temps pour l’Europe de sortir du piège dans lequel elle s’est mise. « Il n’est pas déshonorant de reconnaître une erreur », affirme l’ancien ministre, qui redit son attachement à « l’idée européenne ».

Débarrassée de la monnaie unique, refondée sur une base solide, celle des nations, et sur le renforcement de la relation franco-allemande, dotée d’un Conseil européen plus efficace, d’une Commission réduite au rôle d’une administration et d’un Parlement redevenu le représentant des Parlements nationaux, l’Europe pourrait enfin « exister par elle-même ». Cette « Europe européenne », à géométrie variable, devrait s’étendre au Maghreb, au Sud, et à la Russie, à l’Est. « Nous avons besoin d’un pays comme la Russie entre les Etats-Unis et la Chine », explique M. Chevènement. La démocratie russe n’est pas parfaite, dit-on. La nôtre l’est-elle ? Nommé par Laurent Fabius représentant spécial pour la Russie dans le cadre de la « diplomatie économique », l’ancien ministre rappelle que « l’URSS a cessé d’exister », refuse que souffle à nouveau « le vent de la guerre froide » et dénonce à ce propos « beaucoup de malentendus, beaucoup de mystifications, beaucoup de manipulations ».