Chine : l’environnement ou la croissance

Fin novembre 2009, la Chine a annoncé un effort volontaire de réduction de 40 à 45% de son intensité carbonique, c’est-à-dire de ses émissions de gaz à effet de serre par unité de PIB, d’ici 2020 par rapport à 2005. Derrière cette rhétorique, que représente concrètement cet effort ? Extraits d’un article de Pierre Ozer, géographe, Département des Sciences et Gestion de l’Environnement, Université de Liège. Source : http://pierreozer.blog4ever.com/blog/index-45705.html

Tout d’abord, il est nécessaire de savoir que, de 1990 à 2007, ladite intensité carbonique mesurée en « CO2 (kg)/unité de PIB (US$) » a diminué de 42,3%. En soi, l’annonce de la Chine de réaliser un effort volontaire de réduction de 40 à 45% de son intensité carbonique d’ici 2020 par rapport à 2005 n’a absolument rien d’extraordinaire. Nous sommes dans la droite ligne d’un schéma dit « business as usual » (BAU). Malgré cela, de 1990 à 2007, les émissions totales de CO2 pour la combustion d’énergies fossiles en Chine ont augmenté de 170,6%. Dans le même temps, le PIB chinois a connu, de 1990 à 2006, une croissance annuelle de 10,17%. Il est donc passé de 445 109 US$ (1990) à 2096 109 US$ (2006) ; soit une augmentation de 371%.

(...) Puisque les conclusions scientifiques du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estiment que, pour éviter le pire, c’est-à-dire ne pas dépasser une augmentation globale des températures de 2,0 à 2,4°C d’ici à la fin du siècle, les émissions de GES doivent se stabiliser entre 2000 et 2015 puis diminuer de 50 à 85% en 2050 par rapport à 2005, il est intéressant de voir ce que cet engagement de la Chine pourrait avoir comme conséquence sur les émissions globales de CO2.

Considérant que l’Europe est prête à faire un effort de réduction de maximum -30%, que les Etats-Unis annoncent un effort de -4% et que le Japon s’engage sur un objectif de réduction de -25%, tous trois en 2020 par rapport à 1990 (soit 48% des émissions en 1990), cela représente une réduction totale de 1678 106 tonnes de CO2 pour ces trois entités géographiques.

On comprend dès lors que les efforts de réduction de l’Europe, des Etats-Unis et du Japon n’arriveront à compenser les émissions chinoises que si la croissance annuelle de PIB de la Chine est inférieure à 5,7% durant la période 2005-2020. Or, 2006 et 2007 ont présenté une croissance du PIB chinois à deux chiffres alors que, malgré la crise, 2008 affiche un accroissement de 9% et que le taux de croissance du PIB devrait être compris entre 7% et 9% en 2009.

Notons d’abord que la Chine n’est pas le seul pays émergent. En effet, si ce pays a connu une croissance de son PIB de 13,0% entre 2006 et 2007, l’Inde (+9,0%), la Russie (+8,1%), l’Indonésie (+6,3%) et le Brésil (+5,4%) connaissent également une croissance importante, alors que ces pays représentent 46% de la population mondiale… Or, il est important de garder en mémoire que le PIB chinois en 2007 était similaire à celui de l’Allemagne alors que la population chinoise est … 17 fois supérieure à la population allemande ! De même, l’Inde a un PIB par habitant de 1016 US$ alors que ce chiffre est de 46859 US$ aux Etats-Unis, soit 46 fois plus…

Il est dès lors hautement probable que les efforts des pays développés n’arrivent pas à compenser
les limitations « volontaires » des seuls pays émergents d’ici à 2020. Rappelons ici qu’il est estimé que près de la moitié du doublement des émissions de CO2 enregistrée en Chine depuis 2000 est imputable à la fabrication de produits pour l’exportation Et que la valeur des produits d’exportation est en progression annuelle pour la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil de respectivement 24%, 20%, 21% et 17% entre 2000 et 2008 !

Il est dès lors indéniable que notre consommation occidentale (souvent inconsidérée et inutile) de produits « made in ailleurs » (et surtout des pays émergents) dont nos riches sociétés tirent la demande soient des moteurs non négligeables de la croissance des pays dits « en développement ». Dans les « recommandations » du Giec, il est indiqué qu’il faut consommer moins, mieux et autrement. La notion de « moins » est rarement abordée. Pourtant, elle constitue une réponse à la question du « comment arriver à nos buts ? », car il est hautement probable que la technologie seule ne permettra pas de rencontrer les objectifs de réduction de gaz à effet de serre nécessaires à une vie planétaire future moins dramatique que prévue… Dans les conditions actuelles, il semble que le seul espoir de réduction des gaz à effet de serre
réside dans un fort ralentissement économique…