D’un Conseil européen à l’autre, les chefs d’Etat et de gouvernement européens s’efforcent de conjurer les menaces qui pèsent sur la zone euro. A l’issue de leur rencontre d’octobre, ils s’étaient mis d’accord sur une révision limitée du traité de Lisbonne destinée à pérenniser le mécanisme de sauvetage des pays en difficulté. Le Sommet des 16 et 17 décembre devait préciser les modalités de cette réforme. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, était chargé de proposer une première rédaction du traité modifié, tandis que celui de la Commission, José Manuel Barroso, avait pour mission de présenter les détails du futur mécanisme.
La création de ce dispositif, qui doit prendre la relève en 2013 du Fonds européen de stabilité financière, établi pour une durée de trois ans, est un élément-clé de la stratégie des Vingt-Sept. Il leur faut en effet retrouver la la confiance des marchés, dont les spéculations mettent à rude épreuve la zone euro. Si la crise n’est pas terminée, touchant l’Irlande après la Grèce, c’est bien parce que le doute demeure sur la capacité des Etats à rembourser leurs dettes. Et sur la détermination des plus solides d’entre eux à venir en aide aux plus fragiles, au nom de la solidarité européenne.
Trop d’hésitations et de réserves
Les dirigeants européens affichent certes leur volonté de sauvegarder l’unité de la zone euro, mais ils le font avec tant d’hésitations et de réserves qu’ils ne parviennent pas à convaincre de leur sincérité. « Les marchés ont découvert à quel point les Européens étaient enclins à passer des compromis de façade, et la confiance s’est dissipée », écrit avec raison l’économiste Jean Pisani-Ferry dans Le Monde du 7 décembre. Aussi José Manuel Barroso a-t-il souhaité qu’à l’occasion du dernier sommet de l’année les Vingt-Sept adressent aux marchés un message cohérent afin de « réduire les incertitudes » qui subsistent.
La révision du traité de Lisbonne est censée illustrer la solidarité des Européens face à la crise. Dans un premier temps, le Fonds européen de stabilité financière, en vigueur jusqu’en 2003, devrait assurer le soutien Des trois scénarios évoqués par l’économiste Nouriel Roubini dans Le Monde du 14 décembre, c’est le plus optimiste. « Trois scénarios sont possibles, écrit-il. Le premier, idéal, serait que l’aide apportée par le FESP parvienne à résoudre les problèmes et à calmer les marchés ». En cas d’échec de ce scénario, les deux autres, plus difficiles à mettre en oeuvre, sont ceux de l’intégration fiscale et de la restructuration des dettes souveraines.
Trois hypothèses de révision
Après 2013, c’est le mécanisme permanent qui servira de caution, à condition que les Vingt-Sept parviennent à mener à bien la ratification du traité modifié. La modification devra être aussi simple que possible, « une phrase, deux au maximum », dit-on à la Commission. Trois hypothèses ont été envisagées. La première aurait consisté à supprimer la clause dite de non-renflouement, qui interdit à l’Union ou à un Etat membre de refinancer un Etat membre en faillite (article 125). Cette solution a été écartée.
Deuxième hypothèse, le recours à la clause de solidarité, qui prévoit de porter assistance à un Etat membre en cas de graves difficultés (article 122). Une nouvelle formulation aurait permis d’y inclure la menace de faillite. Les Britanniques et les Néerlandais, notamment, s’y sont opposés. Reste une troisième hypothèse : compléter le chapitre consacré à la gouvernance de la zone euro (article 136) en y inscrivant la possibilité de prêts bilatéraux dans un cadre commun, sans donner des compétences nouvelles à l’Union.
L’indispensable coordination des politiques économiques
Ces dispositions suffiront-elles à rassurer les marchés ? C’est toute la question. En attendant, des voix s’élèvent, notamment en Allemagne, pour recommander une division de la zone euro entre les pays vertueux et les autres. Une recommandation jugée irrecevable par Nouriel Roubini,qui ne voit pas, dit-il, « quelle serait la logique d’une union monétaire entre pays faibles ».
Une fois de plus apparaît l’insuffisance, souvent dénoncée par Jacques Delors, d’une politique monétaire commune qui ne s’est pas accompagnée d’une coordination des politiques économiques. « Il n’est pas possible de faire prospérer la zone euro sans cette volonté d’aller vers la convergence de nos économies et un minimum d’harmonisation fiscale et sociale », rappelait il y a quelques jours dans Le Monde l’ancien président de la Commission.
Cette coordination est indispensable, selon Jacques Delors, pour que la zone euro fonctionne, c’est-à-dire pour qu’elle stimule la croissance. La confiance des marchés ne reviendra pas si la croissance, seule garantie du remboursement des emprunts, ne reprend pas.