Commerce : haro sur les émergents

Dans son rapport 2013 sur les barrières au commerce et à l’investissement publié à la mi-mars, l’Union européenne met en cause plusieurs de ses principaux partenaires commerciaux (Chine, Inde, Russie, Argentine et Brésil) pour leur politique protectionniste. La liste des nouvelles barrières commerciales instituées par ces pays émergents en 2012 est longue et l’UE entend multiplier les pressions pour obtenir la libéralisation de ces marchés vitaux pour ses exportations.

Le constat dressé par l’UE dans la troisième édition* de ce rapport est mitigé dans la forme mais sévère sur le fond. Non seulement aucun progrès significatif n’a été constaté en 2012 dans la levée des barrières commerciales instaurées par ces pays émergents, mais de nouvelles mesures protectionnistes ont été prises.

Le premier pays sur la liste est le Brésil. Selon l’UE, ce pays multiplie les taxes indirectes pour soutenir ses industriels dans de nombreux secteurs comme l’automobile mais aussi les équipements électroniques et de télécommunication. Plus grave : en octobre dernier, le Brésil a augmenté les taxes à l’importation sur une liste de 100 nouveaux produits liés principalement aux secteurs de la sidérurgie, de la pétrochimie, de la chimie et de la pharmacie. Cette mesure est en totale contradiction avec les droits de douane communs appliqués dans le Mercosur (Marché commun du Sud), affirme l’UE.

Autre pays du Mercosur sur la sellette, l’Argentine et la décision, prise en avril par la présidente Cristina Kirchner de nationaliser la compagnie pétrolière YPF, filiale du groupe espagnol Repsol.

Mais il n’y a pas que le continent latino-américain qui soit pointé du doigt par l’UE. Ainsi la Russie a édicté en août 2012 de nouvelles mesures protectionnistes en matière d’importation peu de temps après son accession à l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Ces mesures concernent plus particulièrement le secteur automobile, mais aussi les vins et spiritueux ainsi que les animaux vivants.

Sur le continent asiatique, la Chine et l’Inde ne sont pas en reste. L’UE constate que de nombreuses barrières à l’investissement persistent en Chine et que peu de progrès ont été enregistrés par rapport à 2011. De plus, s’ajoutent de nouvelles barrières comme l’homologation obligatoire de nouveaux ingrédients dans le secteur des produits cosmétiques. Enfin, les secteurs qui posent problème pour l’Inde sont ceux des infrastructures télécoms, des énergies renouvelables où le gouvernement impose une production locale minimum de 30%.

Pour lutter contre ces barrières commerciales, l’UE a décidé de frapper du poing sur la table et d’utiliser tous les outils à sa disposition. Parmi ceux-ci, la diplomatie commerciale. L’UE dispose en effet d’un important réseau de diplomates à l’étranger qui peuvent avoir des contacts directs avec les autorités locales pour les convaincre de changer d’avis. Autre levier possible : actionner les mécanismes de l’OMC et notamment l’Organe de règlement des différents. Cet organisme a été saisi cinq fois au cours des deux dernières années et l’UE a remporté dans ce cadre une victoire importante concernant les restrictions imposées par les Chinois sur les exportations de matières premières.

Enfin, dernier levier d’action de l’UE : imposer la réciprocité lors des négociations pour des accords de libre-échange. Actuellement l’UE négocie avec l’Inde et le Brésil ainsi que l’Argentine (en tant que membre du Mercosur) et doit entrer en négociations avec les Etats-Unis et le Japon. Avec son marché de 500 millions de consommateurs et une part des exportations représentant 20% des exportations mondiales, l’UE a les moyens de peser pour obtenir satisfaction.

* Ce rapport passe au crible cinq pays (Chine, Inde, Japon, Russie, Etats-Unis) ainsi que les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela) qui représentent ensemble 40% des exportations européennes de marchandises et de services.

Lien du rapport : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/march/tradoc_150742.pdf