Commission européenne : tractations en coulisses

Une nouvelle Commission européenne entrera en fonction à l’automne. Sa composition fait déjà l’objet de tractations et de supputations, dont l’agence bruxelloise Europolitique s’est faite récemment l’écho. La France et l’Allemagne, exclues des principaux portefeuilles dans la Commission sortante, souhaitent notamment occuper des postes de premier plan dans le nouvel exécutif européen.

Son président sera, selon toute vraisemblance, José Manuel Barroso, qui a obtenu des chefs d’Etat et de gouvernement la promesse du renouvellement de son mandat. Encore lui faut-il obtenir aussi l’accord du Parlement. Il espérait être officiellement élu dès le mois de juillet. Il lui faudra sans doute attendre septembre. La présidence suédoise a en effet accepté le délai qui lui était demandé par le Parlement.

On imagine mal qu’il se trouve une majorité d’eurodéputés pour désavouer les chefs d’Etat et de gouvernement en mettant leur veto à la désignation de M. Barroso. Le candidat qu’une partie des élus souhaitaient lui opposer, l’ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, a été élu entretemps à la présidence du groupe libéral du Parlement. La voie semble ouverte à la reconduction du président sortant de la Commission.

Postes-clés

Reste à savoir qui seront les nouveaux commissaires et surtout quels seront les détenteurs des principaux portefeuilles. Les trois postes-clés de la Commission sortante avaient été attribués en 2004 à des personnalités connues pour leur engagement libéral : la concurrence à la Néerlandaise Neelie Kroes, le marché intérieur à l’Irlandais Charlie MacCreevy, le commerce extérieur au Britannique Peter Mandelson. L’Allemagne, la France et l’Italie, grands pays fondateurs, avaient dû se contenter de responsabilités moins importantes : l’industrie (Günter Verheugen), les transports (Jacques Barrot), la justice et les affaires intérieures (Franco Frattini). Dans un deuxième temps, la France et l’Italie avaient échangé leurs portefeuilles.

Ces pays souhaitent aujourd’hui occuper des fonctions plus prestigieuses. Paris revendique pour Michel Barnier le marché intérieur. Berlin serait également intéressée par ce poste ou par celui de la concurrence : le choix de son candidat dépendra du résultat des élections législatives du 27 septembre. Rome devrait reconduire le mandat de son actuel commissaire, Antonio Tajani, qui a succédé à mi-mandat à Jacques Barrot au portefeuille des transports, mais briguerait aussi pour M. Frattini le poste de haut représentant pour la politique extérieure et la défense, que va abandonner l’Espagnol Javier Solana.

Si le traité de Lisbonne est ratifié, le haut représentant deviendra en même temps vice-président de la Commission. Dans l’hypothèse où la fonction serait confiée à M. Frattini, l’Italie devrait renoncer au portefeuille de M. Tajani. Toutefois, le poste de haut représentant est également convoité par l’actuel commissaire finlandais à l’élargissement, Olli Rehn. D’autres noms sont cités, comme ceux de Michel Barnier ou du ministre suédois des affaires étrangères, Carl Bildt, bien que le moment soit mal venu pour ce dernier, dont le pays exerce jusqu’à la fin de l’année la présidence de l’UE.

Neelie Kroes pourrait être appelée à conserver le portefeuille de la concurrence, ce qu’elle souhaite, mais La Haye n’a pas encore fait connaître sa décision. De même, l’attribution du portefeuille du commerce extérieur reste incertaine. Catherine Ashton, qui a remplacé en cours de mandat Peter Mandelson, n’est pas assurée de rester à Bruxelles.

Un casting de plus en plus "national"

Trois autres portefeuilles font l’objet d’une attention particulière. Le premier est celui de l’environnement, au premier rang de la lutte contre le réchauffement climatique. Le Grec Stavros Dimas, commissaire sortant, dont le bilan est jugé positif, est candidat à sa propre succession mais d’autres pays, comme l’Autriche ou le Danemark, seraient demandeurs. Le deuxième poste recherché est celui du budget, dont le titulaire sera chargé de proposer les prochaines perspectives financières de l’Union. La sortante, Dalia Grybauskaité, a été élue présidente de la Lituanie il y a deux mois. La Pologne, qui enverra à Bruxelles l’eurodéputé Janusz Lewandowski, serait intéressée par le poste. Enfin, à l’heure de la révision de la politique agricole commune, le portefeuille de l’agriculture suscite un vif intérêt. La sortante, Mariann Fischer-Boël, pourrait être reconduite, si elle le souhaite, ce qui n’est pas certain. D’autres pays, comme l’Autriche ou la Roumanie, seraient candidats.

Officiellement les commissaires ne sont pas les représentants de leurs pays, même s’ils sont désignés par eux. Ils sont censés incarner l’intérêt général de l’Europe. Mais dans la pratique ils sont plus ou moins les relais des Etats qui les ont nommés. Le profil des commissaires va désormais dans ce sens. De plus en plus souvent, en effet, ce sont des hommes politiques, anciens ministres, voire anciens premiers ministres, qui sont choisis par les gouvernements, et non, plus, comme autrefois, des hauts fonctionnaires sans attache partisane. A en juger par les noms qui circulent depuis quelques semaines, la plupart des futures commissaires devraient être des personnalités ayant exercé, avant d’être envoyés à Bruxelles, d’importantes responsabilités nationales.