Les terroristes s’en sont pris à la liberté de la presse en assassinant les journalistes de Charlie Hebdo et les policiers qui les protégeaient. Ils s’en sont pris à la France comme symbole des droits de l’homme et des valeurs qu’ils combattent du Sahel au Moyen-Orient et jusqu’en Asie. Sur ces théâtres d’opérations, ils se heurtent à la France qui est un des Etats les plus engagés dans ce qu’on appelle la guerre contre le terrorisme.
Au Sahel, François Hollande a décidé, peu de temps après son arrivée au pouvoir, d’envoyer les soldats français au Mali pour empêcher les djihadistes de prendre le contrôle de tout le pays. L’opération Serval s’est transformée en opération Barkhane qui associe cinq Etats de la région touchés directement ou indirectement par les actions d’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique). La France a créé une base au nord du Niger, à Madama, pour arrêter les djihadistes qui pourraient s’infiltrer depuis la Lybie. Elle est présente en Centrafrique pour tenter d’empêcher une déstabilisation totale d’un pays charnière entre musulmans et chrétiens.
Au Moyen-Orient, les avions français participent aux bombardements contre Da’ech, l’Etat islamique, en Irak. Mais François Hollande continue de regretter que Barack Obama ait renoncé à intervenir en Syrie à l’été 2013 pour sanctionner l’utilisation par Bachar el Assad d’armes chimiques contre les rebelles syriens. La répression de l’opposition par le régime de Damas a nourri le djihadisme sunnite qui prétend maintenant rétablir le califat en Syrie et en Irak.
Ces interventions sont discutables et leur efficacité est discutée par les experts. Le président de la République reconnait qu’une des décisions les plus difficiles à prendre est de savoir quand il est nécessaire d’intervenir dans un conflit extérieur et quand il est sage de ne pas intervenir. Quand les risques de la non-intervention sont plus grands que ceux de l’intervention.
Ces interventions mettent en danger des vies humaines. La France a payé un lourd tribut. Une dizaine de soldats français sont morts au Sahel. Ils s’ajoutent aux 89 victimes en Afghanistan, que les troupes françaises ont quitté en 2013. Des otages ont été tués, des journalistes ont été assassinés.
Face à eux, plus d’un millier de jeunes Français sont allés faire le djihad en Syrie et en Irak. Certains reviennent pour porter la guerre sur le sol français. Les suspects de la tuerie de Charlie Hebdo étaient des candidats au départ et l’un d’eux avait été condamné en 2008 pour avoir participé à la « filière du 19ème arrondissement » vers l’Irak, via la Syrie. Des centaines sont partis d’autres pays européens.
Et pourtant, en Europe, la France se sent bien seule. Les responsables appellent régulièrement leurs partenaires de l’Union européenne à soutenir la politique française en essayant de les convaincre que leur sécurité est aussi engagée au Maghreb, en Afrique noire ou au Proche-Orient. Sans grand succès jusqu’à maintenant.
La solidarité européenne se limite à une aide technique et à l’envoi de quelques centaines de « formateurs ». Mais il n’est pas question d’une politique de sécurité commune malgré quelques déclarations de bonne volonté. Les manifestations qui ont eu lieu dans de nombreuses capitales européennes à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo sont peut-être le signe encourageant d’une prise de conscience.
Au-delà des controverses sur la pertinence de telle ou telle intervention extérieure ou sur les dangers de la non-intervention, la France assume ses responsabilités, en prenant en compte les risques que sa politique peut lui attirer. Autant le débat sur les décisions politiques est légitime, autant il est important de ne pas renoncer à cause des menaces qu’il est indispensable de prévenir, dans toute la mesure du possible. L’abandon serait une victoire du terrorisme.