Copenhague, l’échec de la gouvernance mondiale

L’échec de la conférence de Copenhague sur le climat ne représente pas seulement un revers dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il est aussi une manifestation de la difficulté à mettre en place une coopération internationale entre les divers groupes de pays aux intérêts divergents.

C’est d’abord un échec pour le système onusien où les décisions doivent être prises par consensus des quelque 192 Etats membres de l’institution internationale. Au moins dans les domaines nouveaux, comme l’écologie, qui étaient ignorés au moment de la création des Nations unies, en 1945, à la fin de la deuxième guerre mondiale. Car sur les questions politiques, les fondateurs de l’ONU ont mis en place une organisation « aristocratique », avec la création du Conseil de sécurité, et, au sein de celui-ci, la distinction entre deux catégories de pays, les membres permanents, avec droit de veto, et les non-permanents qui se relaient dans cette enceinte de privilégiés. Cette structure est contestée, d’une part parce qu’elle va à l’encontre des principes démocratiques (contrairement à l’Assemblée générale des Nations unies), et d’autre part parce qu’elle correspond au rapport de forces prévalant en 1945 mais totalement dépassé par l’émergence de nouvelles puissances.

Un des problèmes de Copenhague a été précisément le refus des pays émergents (Chine, Inde, Brésil, etc.) de se laisser dicter leur comportement par les pays industrialisés traditionnels. Cette division a été partiellement surmontée dans la gestion des affaires financières et économiques. La composition du G20, qui a pris le relais du G7 puis du G8 sans s’y substituer complètement, tient compte de la nouvelle répartition de la puissance économique dans le monde. Mais le G20 n’est pas compétent pour les questions environnementales et ses décisions ne sont pas plus contraignantes que le texte adopté à Copenhague par une trentaine de pays. Ce « G30 » pourrait être l’amorce d’un nouveau type de rassemblement mais les liens qui unissent les Etats ayant apposé leur signature au bas d’un texte de compromis sont trop distendus pour qu’on puisse parler d’une nouvelle organisation internationale.

A Copenhague, le G2, composé des Etats-Unis et de la Chine, est supposé avoir joué un rôle déterminant – pour empêcher un accord ambitieux – mais les intérêts des deux protagonistes ne sont pas, et de loin, toujours convergents. De toute évidence, Barack Obama cherche à redéfinir les relations entre son pays et la Chine pour tenir compte à la fois de ce qu’il appelle le « leadership relatif » américain et la montée en puissance de Pékin. Son récent voyage en Chine a été souvent considéré comme un échec. C’est vrai si l’on en juge par le peu de résultats concrets obtenus. C’est moins certain s’il s’agissait pour le jeune président américain de jeter les jalons d’une relation à long terme avec une des principales puissances de demain, bien au-delà de l’Asie.

Un des problèmes auquel se heurte cette redéfinition des relations est le refus des dirigeants chinois d’accepter une responsabilité dans les affaires internationales correspondant à leur influence réelle et, plus encore, potentielle. La Chine ne rechigne pas à avancer ses pions dans des régions aussi différentes que l’Asie centrale, l’Afrique ou l’Amérique latine, quand elle considère y avoir un intérêt immédiat. Elle n’est pas prête pour autant à assumer le rôle d’une grande puissance internationale, avec les devoirs, les contraintes et les engagements que ce statut suppose. Le jour viendra sans doute, sous la forme d’une acceptation d’une coresponsabilité ou d’une tentation hégémonique. Ce n’est pas encore le cas.

La Chine s’en tient d’autre part à un principe classique des relations internationales que certains, en Occident, les Européens en particulier, jugent dépassé : le primat de la souveraineté nationale. C’est au nom de ce principe qu’elle a refusé qu’un organisme international vérifie qu’elle tient ses engagements en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Elle a été soutenue, à Copenhague, par le groupe des pays pauvres, dit groupe des 77, qui, à l’instar des pays émergents, ne veulent pas abdiquer une parcelle de leur souveraineté, même si celle-ci est mise à mal par la mondialisation, les exigences du FMI et la tutelle des grandes entreprises internationales.

Dans ce domaine, l’Union européenne est très en avance sur ses partenaires, Etats-Unis y compris, car elle est fondée sur l’idée même de « mutualisation » ou mise en commun des souverainetés nationales. C’est pourquoi elle a parfois du mal à se faire entendre.

En ce sens, la réunion de Copenhague est l’expression d’un « monde en transition », comme l’a dit la chancelière allemande Angela Merkel, non seulement dans la lutte contre le réchauffement climatique mais dans la recherche d’un mode de gestion des rapports internationaux.