Corée du Nord : le pari de Trump

On s’est suffisamment ému des rodomontades échangées ces derniers temps entre Donald Trump et Kim Jong-un pour ne pas se réjouir aujourd’hui de la prochaine rencontre entre le président américain et le dirigeant nord-coréen, premier signe d’apaisement après plusieurs mois d’escalade et première étape vers un possible dialogue. Malgré les incertitudes et les ambiguïtés qui entourent ce rendez-vous, celui-ci est aussi bienvenu qu’inattendu. Il devrait dissiper, au moins provisoirement, le climat belliqueux qui s’est établi depuis que le dictateur de Pyongyang s’est lancé dans une vaste offensive militaire.

On s’est cru en effet au bord de la guerre nucléaire lorsque la Corée du Nord a procédé à des tirs de missiles intercontinentaux susceptibles d’atteindre le territoire américain (en juillet) puis à un sixième essai nucléaire soupçonné de tester pour la première fois une bombe H (en septembre). Ces initiatives se sont accompagnées d’une agression verbale sans précédent. Kim Jong-un, adepte d’une rhétorique guerrière délibérément menaçante, promettait, en réponse aux sanctions, de faire payer « un millier de fois » aux Américains « le prix de leurs crimes".

On pouvait tout craindre d’un chef d’Etat aussi imprévisible qu’impulsif, dont les menaces étaient rendues crédibles par l’accession de son pays au statut de puissance nucléaire et balistique. Dernier vestige d’un communisme totalitaire que l’on pensait appartenir à un autre siècle, le régime nord-coréen confirmait ainsi qu’il n’était pas seulement abominable sur le plan intérieur mais qu’il était aussi incontrôlable, même par son puissant voisin chinois, sur le plan international.

L’inquiétude était d’autant plus grande que le nouveau président des Etats-Unis, novice sur la scène diplomatique, semblait prêt à entrer dans la bagarre – celle des mots, sinon encore celle des actes - en haussant le ton d’une manière peu orthodoxe. Les menaces de Kim Jong-un, affirmait-il, « se heurteront à un feu et une fureur que le monde n’a jamais vus jusqu’à présent ». A l’image du cow-boy hollywoodien, incarnation de l’Amérique des pionniers, qui choisit de dégainer plutôt que de discuter, Donald Trump donnait l’impression d’accepter la confrontation, au risque du conflit armé.

Le soulagement est donc réel après l’annonce d’un sommet entre les deux chefs d’Etat. C’est le conseiller sud-coréen à la sécurité nationale, Chung Eui-yong, qui a servi d’intermédiaire et transmis à Donald Trump l’invitation de Kim Jong-un. Quel peuvent être les effets de cette ouverture ? Au-delà d’une trêve souhaitable dans les manœuvres d’intimidation réciproque entre les deux pays, l’objectif final, selon l’intermédiaire sud-coréen, serait la dénucléarisation de la péninsule. Si c’est le cas, ce sera une avancée historique.

Pour le moment, on a du mal à croire que Pyongyang soit prêt à renoncer à son ambition nucléaire. Certains à Washington redoutent un marché de dupes. Kim Jong-un, disent-ils, va recevoir la reconnaissance internationale à laquelle il aspire. Son régime acquerra enfin la légitimité dont il manque. Donald Trump n’a-t-il pas accepté un peu vite une rencontre trop brièvement préparée ? Non, répondent ceux qui approuvent la démarche du président américain. Celui-ci, notent-ils, obtient, sans rien céder, la perspective d’une dénucléarisation, c’est-à-dire plus qu’un simple arrêt des programmes militaires nord-coréens. En attendant, les sanctions continueront de s’appliquer.

Pour Donald Trump, qui se flatte de ses talents de négociateur et aime à bousculer les professionnels de la diplomatie, c’est sans doute un pari. Un pari qui vaut d’être tenté. S’il est perdu, la péninsule reviendra à la situation antérieure de ni guerre ni paix. Mais s’il est gagné, le gain sera considérable.