Corée, le calme après l’escalade

Kim Jong-un, classé un peu rapidement dans la catégorie des dirigeants fantasques, a eu l’habileté d’utiliser la « trêve olympique ». Le dictateur nord-coréen, qui se vantait presque de placer le monde au bord de l’abîme atomique avec ses essais balistiques et nucléaires, a tendu la main à son voisin et rival du sud à l’occasion des Jeux d’hiver, qui ont lieu à Pyeongchang en Corée du sud. En quelques jours, Pyongyang et Séoul se sont mises d’accord. Les délégations des deux pays ont défilé ensemble derrière un drapeau de la Corée réunifiée. Une seule équipe féminine de hockey sur glace représente les deux pays.
Kim Jong-un a envoyé au sud sa sœur porteuse d’une invitation pour le président Moon Jae-in. Ce libéral de gauche qui rêve de renouer avec la « politique du rayon de soleil » tentée en vain au début des années 2000 n’a pas refusé. Il demande au dirigeant du Nord de créer les conditions pour une rencontre au sommet.
Car Kim Jong-un ne s’est pas converti au pacifisme du jour au lendemain. Ce n’est pas sans arrière-pensées qu’il a mis de côté son discours belliqueux des derniers mois pour opérer un virage à 180°. Il met une nouvelle tactique au service d’une stratégie immuable : faire de la Corée du Nord une puissance nucléaire capable de faire entendre sa voix vis-à-vis de ses voisins du sud et au-delà de leurs protecteurs américains.
En donnant l’impression de rechercher un rapprochement avec la Corée du Sud, Kim poursuit plusieurs objectifs. Il cherche d’abord à enfoncer un coin entre les dirigeants de Séoul et les Etats-Unis. Certes la sécurité du Sud repose et continuera longtemps à reposer sur la présence de plusieurs dizaines de milliers de soldats américains dans la péninsule. Mais les menaces de Donald Trump de déclencher « le feu et la furie » si le Nord continue sa course aux armements inquiètent les dirigeants comme une grande partie de l’opinion sud-coréenne. La Corée du sud serait la première victime d’un conflit. Son intérêt serait donc de trouver un modus vivendi avec les frères ennemis du nord.
Une trêve ne signifie pas pour le régime de Pyongyang une renonciation à son programme nucléaire. Au contraire. Elle lui permet de gagner du temps et de repousser l’éventualité d’une frappe chirurgicale américaine sur ses installations militaires. La Corée du nord a fait la démonstration, en 2017, qu’elle était capable d’envoyer des missiles balistiques à longue portée et de produire une bombe à hydrogène. Les experts discutent sur le point de savoir si elle est en mesure de miniaturiser ses ogives nucléaires et de faire revenir ses missiles dans l’atmosphère. Si ce n’est pas le cas dès maintenant, ce n’est qu’une question de temps.
A plus ou moins court terme, Kim Jong-un aura réussi, non seulement à mettre le dernier régime stalinien de la planète à l’abri de toute velléité de "regime change", mais à se croire en position de forcer une réunification de la Corée. Car contrairement à l’Allemagne communiste pendant la guerre froide, qui cherchait simplement à survivre face au monde capitaliste, la Corée du nord n’a pas renoncé à réunifier à ses conditions la péninsule divisée.
Sans entretenir des illusions sur les véritables intentions de Pyongyang, il serait habile d’utiliser cette petite ouverture pour tester Kim Jong-un. La diplomatie américaine est en première ligne, malgré les foucades de Donald Trump. Un dialogue, même embryonnaire, sera peut-être exploité par la Corée du nord comme un succès de sa politique. L’issue d’un affrontement et ses conséquences seraient catastrophiques.