Président en exercice du Conseil européen, Nicolas Sarkozy estime avoir su prendre les initiatives audacieuses qui ont sauvé l’Union de la déroute financière, bousculé les réflexes nationaux autant que l’inertie de la Commission de Bruxelles et donné de manière empirique à l’Europe le gouvernement économique qui lui fait défaut dans les textes.
Le président de la République n’a pas le succès modeste, certes ! Mais il de bonnes raisons de penser que, sous sa présidence et grâce à son dynamisme, son volontarisme, son pragmatisme et sa ténacité, l’Union européenne non seulement a évité le pire mais a existé comme jamais. Le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, vieux routier des sommets européens, a pu ainsi affirmer, l’autre dimanche, au terme de la réunion des Quinze, qu’il n’avait jamais vu l’Europe gouvernée avec autant d’intensité.
Le plan de sauvetage des banques qui instaure un cadre commun aux 27 tout en laissant à chacun d’entre eux le soin d’en décliner les modalités dans son pays a vu le jour lors d’un sommet exceptionnel et historique des pays de la zone euro, le dimanche 12 octobre à Paris. Trois jours plus tard, il était ratifié à l’unanimité par tous les membres de l’Union. La presse a applaudi : profitant de la vacance américaine, bénéficiant des talents du président Sarkozy, contrainte par la crise, l’Europe venait d’accomplir un formidable pas en avant dans le processus d’unification !
Paradoxe britannique
Si le sommet des Quinze du 12 octobre a été un succès, il ne faut pas oublier que, huit jours plus tôt, celui des Quatre (France, Grande Bretagne, Allemagne et Italie) avait été un échec. Le talent de Nicolas Sarkozy a contribué à redresser la barre. Mais ce sont surtout les défaillances bancaires que n’attendait pas Angela Merkel qui ont conduit cette dernière à jouer plus collectif. Et, paradoxalement, c’est la très libérale Grande-Bretagne, étrangère à la zone euro, qui a inspiré sinon imposé un plan de sauvetage de facture proprement social-démocrate à une Europe adepte du grand marché.
Si le plan de soutien financier a été adopté, en revanche Nicolas Sarkozy a échoué à convaincre ses partenaires de lancer un grand plan de soutien de l’économie européenne à l’heure de la récession. Il a bien essayé de sortir l’idée de son chapeau lors du sommet consacré cette semaine à la discussion du paquet énergie/climat. Mais le président français a essuyé un refus poli de la Commission et de bon nombre des membres de l’Union. Il n’en est pas question, a martelé Jean-Claude Juncker. La Commission a tout juste promis de réfléchir à des mesures susceptibles d’améliorer la compétitivité des entreprises européennes, à la condition expresse que ces mesures n’entravent pas la sacro-sainte concurrence.
Abandon programmé du plan énergie/climat
Si le plan de sauvetage a été adopté en vingt quatre heures… crise oblige, le paquet énergie/climat, auquel tient tant la présidence française, a toute chance de finir dans les limbes… au prétexte de la crise ! L’Allemagne n’en veut pas et le laisse entendre. L’Italie et la Pologne moins encore et le disent clairement. Un droit éventuel de veto leur a d’ailleurs été accordé cette semaine. La décision a été repoussée à la fin décembre. La crise qui a permis le plan de sauvetage autorisera peut-être aussi l’enterrement du plan énergie/climat !
Le pan de sauvetage bancaire a fait exploser l’idéologie libérale et la pratique du "laissez-faire" de la Commission. Mais l’orthodoxie libérale de la dite Commission et de bon nombre des membres de l’Union mine tout plan éventuel de politique économique commune de soutien. La crise a fait faire à l’Europe un pas en avant avec cette initiative commune financière. Elle conduit l’Europe à reculer d’un pas avec l’abandon quasi-programmé du projet climatique et énergétique. Les déficits vont filer, du moins dans certains pays. Mais le président de l’Eurogroupe continue d’appeler au respect des critères de Maastricht, nullement caduques à ses yeux.
A la croisé des chemins dans la crise, l’Europe tire à hue et à dia, un pas en avant, un pas de côté, sinon un pas en arrière !