Beaucoup pensaient que la disparition de Fidel Castro entraînerait un bouleversement du système politique cubain, comme la chute du mur de Berlin avait annoncé l’effondrement du bloc soviétique et sonné le glas du communisme. Rien ne s’est passé vraiment comme on pouvait l’imaginer. D’abord parce que le dirigeant cubain, malade, a renoncé de lui-même au pouvoir en 2006 après l’avoir exercé pendant près d’un demi-siècle et qu’il n’a pas disparu de l’horizon politique, restant jusqu’à sa mort en 2016 la figure tutélaire du régime. Ensuite parce qu’il a cédé le poste à son frère Raul, fidèle entre les fidèles, et que le nom de Castro a continué à dominer la vie publique à Cuba.
Le régime castriste, fondé sur l’autoritarisme et la répression, est donc resté en place pendant les douze années qui ont suivi le départ, considéré comme « provisoire », de Fidel. L’arrivée d’un nouveau président, extérieur à la famille, Miguel Diaz-Canel, peut-elle changer les choses ? Pour le moment il est permis d’en douter. Le successeur de Raul Castro à la tête de l’Etat n’a donné jusqu’ici aucun signe d’une volonté réformatrice qui donnerait aux Cubains l’espoir d’échapper au maintien de la dictature mise en place par Fidel. Au contraire, ce bureaucrate discret de 57 ans, qui a grimpé patiemment, sous l’égide de Raul, tous les échelons du pouvoir, se réclame ouvertement de l’orthodoxie communiste, dont il propose d’appliquer tous les dogmes, de règne du parti unique au rejet de l’impérialisme américain, en passant par la défense de la révolution.
Il est vrai que la présidence de Raul Castro a permis une certaine évolution du régime, sur le plan économique, avec l’émergence d’un secteur privé, comme sur le plan diplomatique, avec le rétablissement des relations avec les Etats-Unis, mais elle a laissé intacts les fondamentaux du castrisme, ce collectivisme militarisé qui bafoue les libertés publiques. Miguel Diaz-Canel fera-t-il mieux ?
Il faut noter que Raul Castro n’abandonne pas la direction du parti unique, dont on sait que, dans les pays communistes, il détient l’essentiel du pouvoir. Il faut rappeler aussi que ce n’est pas la première fois depuis 1959, date de la prise de pouvoir par Fidel Castro, qu’un président de la République cubaine n’est pas issu de la famille Castro : de 1959 à 1976, la fonction a été occupée par un vieux compagnon de Fidel, Osvaldo Dorticos.
Aujourd’hui la passation de pouvoir entre Raul Castro et Miguel Diaz-Canel a surtout une valeur symbolique. Elle signifie que le « règne » des Castro est sur le point de prendre fin et qu’une nouvelle page se tourne dans l’histoire de Cuba. On peut espérer que le nouveau président se révélera comme un deuxième Gorbatchev et qu’après avoir grandi dans l’ombre de ses aînés, comme l’ancien président soviétique, il se libérera de son passé pour contribuer à une transformation profonde du pays. La transition ne sera-t-elle qu’une succession « en trompe-l’œil », comme l’écrit Le Monde, ou le successeur des Castro prendra-t-il le risque d’une « perestroïka » à la cubaine ? Si la seconde hypothèse est celle dont rêvent les démocrates, à Cuba et ailleurs, la première semble à ce jour la plus probable.