Lakhdar Brahimi espérait que la présence de la sous-secrétaire d’Etat américaine, Wendy Sherman, et du ministre adjoint des Affaires étrangères russe, Guennadi Gatilov, permettrait de débloquer la situation. Cela n’a pas été le cas. L’émissaire de Vladimir Poutine a refusé d’exercer la moindre pression sur la délégation de Damas.
Le dialogue de sourds a prévalu en effet lors de cette dernière semaine de négociations, les deux parties se sont heurtées à deux lectures différentes du communiqué final de la conférence de Genève de juin 2012. Pour l’opposition c’est l’aspect politique qui est primordial. Il stipule la formation d’« une instance de gouvernement transitoire dotée des pleins pouvoirs ». Alors que la délégation gouvernementale a insisté sur « la nécessité de lutter contre le terrorisme » en préalable à toute avancée politique. Cette stratégie du refus est confortée par le très faible contrôle que les opposants, présents à Genève, exercent sur les groupes armés rebelles actuellement dominés par les mouvements islamistes radicaux.
Pour prouver sa détermination, le gouvernement syrien a ajouté à une « liste terroriste » les noms des délégués de l’opposition syrienne aux pourparlers de Genève et confisqué leurs avoirs bancaires et immobiliers. « Qui refuse de combattre le terrorisme est partie prenante du terrorisme », a justifié Bachar al-Jaafari, membre de la délégation gouvernementale et délégué permanent de la Syrie auprès des Nations Unies, fermant la porte à toute négociation future. « Le régime veut montrer qu’il peut déstabiliser chacun d’entre nous. Dans son mode de pensée malade, quiconque s’oppose à lui est un traître et un terroriste », a commenté Ahmad Djakal, un délégué de l’opposition.
L’offensive militaire se poursuit
Sur le terrain, l’armée syrienne poursuit depuis un mois une offensive sur deux fronts : après Alep, soumise à un déluge de barils d’explosifs largués par des hélicoptères sur la population civile, l’armée syrienne, secondée par les combattants du Hezbollah libanais, s’attaque à la localité de Yabroud, la dernière ville encore aux mains de l’insurrection dans le massif du Qalamoun, une zone stratégique à mi-chemin entre Damas et la frontière avec le Liban d’où proviennent combattants et matériel militaire. On estime à cinq mille morts le bilan de cette double offensive meurtrière commencée à la mi-janvier en concomitance avec l’ouverture des négociations de Genève 2.
A New York, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pu trouver d’accord pour l’adoption d’une résolution sur l’accès de l’aide humanitaire. C’est le troisième échec depuis quatorze mois. Seuls 1 400 civils ont pu être évacués de la ville de Homs encore sous bombardement. Et, humiliation suprême pour des civils meurtris et affamés, plusieurs dizaines d’hommes en âge de porter des armes ont été interrogés par les services de sécurité de l’armée gouvernementale avant leur évacuation. Les convois de l’ONU, de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont été attaqués par les forces gouvernementales, au mépris des conventions internationales.
L’urgence humanitaire prend le pas sur la solution politique
Barack Obama a reçu, le 14 février à Rancho Mirage (Californie), le roi Abdallah II de Jordanie pour parler de la crise en Syrie et du processus de paix israélo-palestinien. Le président des Etats-Unis doit se rendre à la fin du mois de mars prochain en Arabie saoudite pour tenter de rétablir des relations plus apaisées avec un allié particulièrement contrarié par le louvoiement de la politique américaine sur la Syrie, le rapprochement avec l’Iran et le piétinement des négociations israélo-palestiniennes.
A l’issue de sa rencontre avec le roi de Jordanie, Barak Obama a résumé en quelques mots sa position sur le conflit syrien : « Nous ne nous attendons pas à régler cela à court terme, alors il va y avoir des mesures immédiates que nous allons devoir prendre pour aider la situation humanitaire là-bas. » Il a aussi affirmé que la Russie avait la « responsabilité » de pousser la Syrie à respecter l’accord sur le transfert hors du pays de ses armes chimiques. Washington affirme que seules trois petites cargaisons ont été évacuées, soit bien moins que les 700 tonnes dont Damas s’était engagée à se débarrasser avant la fin de 2013.
Au Proche-Orient, on estime que seul un rapprochement diplomatique entre Riyad et Téhéran, permettra le déblocage de la situation en Syrie. Un premier signe positif est apparu en ce sens au Liban avec la formation le 15 février, après dix mois de tractations, d’un « gouvernement d’intérêt national » composé à parité de ministres appuyés par l’Arabie saoudite et d’autres appuyés par l’alliance syro-iranienne.
Mais il faudra plus que cela pour un retour à la paix dans une Syrie où trois millions de réfugiés sont dans une situation de désespoir absolu.