S’il est reconduit à la présidence de la Commission, José Manuel Barroso sera le troisième chef de l’exécutif européen à être désigné pour un second mandat. Avant lui, seuls Walter Hallstein (1958-1967) et Jacques Delors (1985-1994) ont été réélus au terme de leur premier mandat.
Au commencement était la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), née de la déclaration Schuman de 1950. Principal artisan de ce projet, Jean Monnet est porté en 1952, par consensus, à la présidence de la Haute Autorité de la CECA. Il cède sa place, en 1955, à son compatriote René Mayer, auquel succède, en 1958, un autre Français, Paul Finet. Deux Italiens, Piero Malvestiti et Dino Del Bo, occuperont ensuite le poste de 1959 à 1967.
En 1956, deux autres institutions européennes sont mises en place : la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) et la Communauté économique européenne (CEE). Trois Français, Louis Armand, Etienne Hirsch, Pierre Chatenet vont se succéder à la présidence de la Commission de l’Euratom. L’Allemand Walter Hallstein présidera pendant la même période la Commission de la CEE.
Le temps de Walter Hallstein
Ancien collaborateur du chancelier Konrad Adenauer, M. Hallstein a été, au nom de l’Allemagne, le principal négociateur des traités européens. Il bénéficie d’une grande autorité. L’Allemagne a joué un rôle-clé dans la création de la CEE. Ses partenaires jugent normal qu’elle en préside l’exécutif. Le succès de Walter Hallstein justifie son renouvellement en 1962 avant qu’un vif conflit ne l’oppose au général de Gaulle, qui conduira la France à pratiquer en 1965-1966 la politique de la « chaise vide ».
En 1967, les trois exécutifs européens – CECA, Euratom, CEE- fusionnent. C’est le Belge Jean Rey qui préside la nouvelle Commission des Communautés européennes. Raymond Barre est l’un des quatre vice-présidents. Il occupera cette fonction jusqu’en 1973. Ancien ministre de la reconstruction et des affaires étrangères, Jean Rey a été chargé des relations extérieures dans la Commission Hallstein. « Négociateur de grand talent », selon Jacques Delors, il a joué un rôle important dans la négociation du « Kennedy round ».
En 1970, l’Italien Franco-Maria Malfatti, ministre démocrate-chrétien du gouvernement Moro, est choisi pour lui succéder au moment où la Commission achève les négociations d’adhésion avec la Grande-Bretagne et met au point le projet d’Union économique et monétaire. Mais il se retire au bout de deux ans pour se consacrer à la politique intérieure italienne.
Le père de l’Europe verte
Le Néerlandais Sicco Mansholt, vice-président de la Commission depuis 1958, qui est en quelque sorte le plus ancien dans le grade le plus élevé, le remplace jusqu’au terme du mandat de l’exécutif européen. Sa désignation est une surprise : cet ancien ministre de l’agriculture, considéré comme le père de l’Europe verte, est un fédéraliste convaincu, qui s’est heurté plusieurs fois aux Français. Ceux-ci obtiendront en compensation que l’ancien ministre François-Xavier Ortoli, proche du président Georges Pompidou, lui succède en 1973.
En 1977, la Grande-Bretagne, entrée dans la Communauté quatre ans auparavant, se voit attribuer la présidence de la Commission. L’ancien ministre travailliste Roy Jenkins, dont l’attachement à l’Europe est connu, est désigné à ce poste. Il maintiendra le cap de l’Union économique et monétaire. En 1981, c’est le tour du Luxembourg : le premier ministre Gaston Thorn, homme d’expérience et de conciliation, est choisi par ses pairs.
Le « règne » de Jacques Delors
En 1985 commence le « règne » de Jacques Delors, qui sera marqué notamment par l’adoption de l’Acte unique et du traité de Maastricht. Le candidat bénéficie du double soutien de François Mitterrand et de Helmut Kohl. La candidature de Claude Cheysson, ancien commissaire européen et ministre français des affaires étrangères, a été écartée par Margaret Thatcher, premier ministre britannique. M. Cheysson est toutefois nommé membre de la Commission, où il sera le second représentant français.
La succession de M. Delors, en 1995, ne va pas sans difficultés. John Major, qui a succédé à Mme Thatcher à la tête du gouvernement britannique, bloque la désignation du premier ministre belge, Jean-Luc Dehaene, jugé trop fédéraliste. M. Dehaene, dont la présidence européenne, au second semestre 1993, a été particulièrement efficace, avait été préféré par la majorité des Etats membres à son rival, le premier ministre néerlandais Ruud Lubbers. Le refus britannique conduit au choix d’un candidat de compromis, le premier ministre luxembourgeois Jacques Santer, « grand militant européen », selon Jacques Delors.
La démission de la Commission Santer
La Commission Santer travaillera avec succès à la mise en place de l’euro et à la préparation de l’élargissement à l’Est avant d’être contrainte à la démission face aux accusations de malversation dirigées contre plusieurs commissaires, dont la Française Edith Cresson. L’ancien chef du gouvernement italien Romano Prodi est plébiscité par les Quinze pour remplacer M. Santer.
En 2004, M. Prodi choisit, au terme de son mandat, de retourner à la politique italienne. Une fois de plus, la Grande-Bretagne oppose son veto à la candidature d’un premier ministre belge, Guy Verhofstadt, jugé, comme M. Dehaene neuf ans plus tôt, trop fédéraliste. Elle lui oppose Chris Patten, commissaire aux relations extérieures dans la commission sortante. Pour mettre fin au blocage, les noms du Français Michel Barnier et de l’Autrichien Wolfgang Schüssel circulent mais c’est celui du Portugais José Manuel Barroso qui émerge. Les Français et les Allemands, qui soutenaient M. Verhofstadt, s’inclinent à contre-cœur.