Jusqu’à une date récente, les Islandais étaient hostiles à l’adhésion à l’UE, surtout parce qu’ils craignaient d’être obligés de respecter les règlements communautaires à propos de la pêche. La crise financière et économique qui les a touchés de plein fouet leur a fait changer d’avis. Le pays étant quasiment en état de faillite, la participation à l’UE, et surtout l’entrée dans la zone euro, leur apparaît comme le meilleur moyen d’échapper à une nouvelle catastrophe.
Europe ou FMI
Est-ce si sûr ? Les opposants à l’adhésion en Islande font remarquer que l’UE s’est montrée très réticente à venir aux secours de ses membres particulièrement affectés par la crise. Ils citent notamment les Etats baltes et la Hongrie, sans parler de l’Ukraine qui est en dehors de l’Union. Ces Etats ont dû se retourner vers le Fonds monétaire international (FMI), ce qui n’est pas le chemin le plus glorieux quand on appartient à une communauté se prétendant solidaire. Il est vrai qu’à d’autres époques, d’autres pays membres de la Communauté européenne avaient été obligés de s’adresser au FMI pour sauver leur économie menacée de banqueroute – on pense notamment au Royaume-Uni, à la fin des années 1970. Mais c’était avant le marché unique, le traité de Maastricht et la création de la zone euro…
A l’automne 2008, la majorité de l’UE s’est prononcée contre un sauvetage général de ses membres défaillants, les Allemands, en particulier, ne voulant pas se retrouver les trésoriers-payeurs de l’Europe. Les Etats secoués par la crise ont donc fait appel au FMI. C’est le cas de la Lettonie. Toutefois, l’UE ne s’est pas totalement désintéressée de son sort, et ne pouvait pas le faire. Pour des raisons politiques mais aussi pratiques : des banques européennes sont fortement engagées dans ce pays et paient les conséquences de la crise. Les établissements scandinaves, suédois en particulier, en savent quelque chose. Les entreprises et les ménages des pays émergents européens se sont lourdement endettés en euros pour échapper aux taux d’intérêt locaux très élevés.
Dévaluation impossible, croissance improbable
Le FMI comme l’UE posent des conditions à l’octroi de crédits. 7,5 milliards d’euros devraient encore être versés à la Lettonie. « Le rôle du FMI est plus important que son argent », a déclaré le nouveau premier ministre letton, Valdis Dombrovskis, qui se bat pour assouplir les exigences des organisations internationales. Avec un déficit budgétaire représentant 10% du PIB, une croissance négative spectaculaire (-18% au premier trimestre de cette année), le gouvernement de Riga devrait avoir recours à un remède bien connu : la dévaluation. Mais la monnaie lettone est liée à l’euro et une dévaluation renverrait aux calendes grecques l’entrée de la Lettonie dans la zone euro, avec des conséquences pour la candidature d’autres pays membres de l’UE.
C’est pourquoi Bruxelles insiste sur la nécessité de se rapprocher le plus vite possible des critères de Maastricht – le gouvernement de Riga prévoit un déficit public de 3% en 2012. Il a décidé des coupes claires dans les dépenses publiques, a baissé les salaires et réduit les pensions. Mais il n’a pas renoncé à la « flat tax » de 23% sur le revenu pour la remplacer par un impôt progressif qui aurait accru les recettes de l’Etat.
A leur tour, ces décisions pèsent sur les perspectives de croissance pour les mois, voire les années à venir. « Il n’y a rien en vue », reconnaît un analyste. Elles peuvent avoir aussi des conséquences politiques – le précédent gouvernement a été contraint de démissionner – et sociales – des manifestations ont dégénéré en affrontements avec la police, dans la capitale Riga.
L’appartenance à l’UE n’est donc pas la voie royale pour échapper à la crise ou pour obtenir la solidarité inconditionnelle de ses partenaires, contrairement à ce que croient peut-être quelques Islandais, revenus de leur splendide isolement. Mais elle met au moins à l’abri d’une déconfiture totale qui ne serait pas politiquement acceptable.