Défaite du président de la « révolution des roses »

L’opposition l’a emporté aux élections législatives. Le Rêve géorgien, de Bidzina Ivanichvili, a battu nettement le parti du président Saakachvili, qui fut l’artisan du grand mouvement démocratique de 2003.

L’échec du président géorgien Mikheïl Saakachvili aux élections législatives du 1er octobre, un an avant la fin de son second et dernier mandat présidentiel, est une défaite de la « révolution des roses », ce puissant mouvement démocratique qui a marqué, en 2003, la vraie rupture de ce petit Etat issu de l’Union soviétique avec l’ère communiste. A la même époque, en Ukraine, autre pays issu de l’ex-URSS, la « révolution orange », conduite par Viktor Iouchtchenko, s’est attaquée, dans le même esprit, aux vestiges du passé pour tenter de bâtir une nouvelle démocratie.

 La victoire de Viktor Ianoukovitch à Kiev en 2010 a mis fin à la « révolution orange ». Le succès de Bidzina Ivanichvili, dont le parti, le Rêve géorgien, vient de conquérir la majorité des sièges au Parlement de Tbilissi, pourrait clore, de la même manière, la période ouverte par l’autre « révolution de couleur », qui a soulevé naguère le peuple ukrainien contre les héritiers du communisme.

 Comme l’ancien président ukrainien, Mikheïl Saakachvili a vu peu à peu fondre sa popularité. La réforme à marche forcée qu’il a imposée à la Géorgie a profondément transformé le pays mais elle a aussi provoqué de forts mécontentements chez tous ceux qui se sont estimés victimes du libéralisme économique, à commencer par les quelque 16 % de chômeurs. La dérive autoritaire du régime, confirmée par le scandale des violences contre des prisonniers révélées, vidéos à l’appui, à la veille du scrutin, a aussi contribué à mobiliser ses opposants et à décourager des partisans.

 La dramatisation des enjeux – « le choix entre le passé et l’avenir », selon les mots du président géorgien – n’a pas suffi à sauver le pouvoir en place face à son entreprenant adversaire, un nouveau venu sur la scène politique, le milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui a su rassembler les différents groupes de l’opposition et se poser en challenger crédible de Mikheïl Saakachvili.

 Au-delà de l’affrontement entre ces deux personnalités et des controverses de politique intérieure, la question-clé demeure, en Géorgie comme en Ukraine, celle des relations avec la Russie. A Kiev, un « pro-Russe », Viktor Ianoukovitch, a succédé à un « anti-Russe », Viktor Iouchtchenko. A Tbilissi, c’est aussi un « anti-Russe », Mikheïl Saakachvili, qui est vaincu. La tension entre les deux pays n’a cessé de s’exacerber jusqu’à aboutir en 2008 à un conflit militaire et à la sécession, soutenue par Moscou, de deux provinces géorgiennes, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie.

Mikheïl Saakachvili est devenu pour les Russes l’ennemi numéro un. Bidzina Ivanichvili, son vainqueur, est encore mal connu mais on sait au moins qu’il a construit sa fortune en Russie, où il a fait partie de ces oligarques enrichis par les privatisations et qu’il a gardé des amis à Moscou, même s’il a quitté le pays il y a dix ans. Le président géorgien l’accuse d’être allé plus loin que tout autre homme politique « dans l’apologie des Russes ».

Bidzina Ivanichvili affirme qu’il maintiendra la politique de Mikheïl Saakachvili en direction de l’OTAN et de l’Union européenne mais qu’il s’efforcera aussi d’améliorer les relations ente la Géorgie et la Russie. L’avenir dira s’il parviendra à concilier ces deux orientations. En attendant, sa victoire ne peut que réjouir Vladimir Poutine, qui s’emploie à renforcer la zone d’influence de la Russie.