Défense de l’identité chrétienne

La philosophe Chantal Delsol critique ceux qui refusent de parler d’une identité européenne. Elle estime que l’unité du Vieux continent repose sur sa culture chrétienne.

D’où vient le malaise de l’Europe ? En partie de son indétermination, estime la philosophe Chantal Delsol. « Nous ne savons pas qui est l’Europe ni par conséquent ce que nous voulons en faire », affirme-t-elle, en s’étonnant de la façon dont a été accueillie en Europe la thèse de Samuel Huntington sur « le choc des civilisations ». « En réalité ce qu’on lui reproche, dit-elle, c’est de partager le monde en civilisations, autrement dit de nier l’universalisme de l’Occident ».

Les « racines » et le « destin »

A ce refus de l’Europe de se définir elle-même Chantal Delsol oppose la nécessaire réflexion sur « l’identité européenne », qu’elle développe notamment dans un livre collectif co-dirigé avec Jean-François Mattéi (L’identité de l’Europe, PUF, 2010) et dans un récent recueil de chroniques (Penser le présent, François Bourin Editeur, 2011). Invitée de Fréquence protestante, samedi 21 mai, elle explique que l’Europe ne doit pas seulement se définir par son « destin », c’est-à-dire par son avenir, mais aussi par ses « racines », c’est-à-dire par son passé. Or, selon elle, on parle beaucoup du destin de l’Europe, mais peu de ses racines, et donc de son identité.

Ces racines, pour Chantal Delsol, sont d’abord chrétiennes. La philosophe fait partie de ces gens qui s’indignent du refus des Européens de mentionner dans le projet de Constitution européenne, rejeté en France par référendum en 2005, les racines chrétiennes de l’Europe. Quand on lui objecte que le projet se référait aux héritages « religieux » de l’Europe, elle juge que cette référence, par son imprécision, était insuffisante. L’identité européenne, dit-elle, est le produit de la religion judéo-chrétienne : « pourquoi ne pas le dire ? ». Cette religion, selon elle, « irrigue » un continent tout entier, son droit, sa morale, ses institutions. Pourquoi ne pas le signaler ? La laïcité ? Elle-même provient du christianisme, rappelle-t-elle.

L’Antiquité grecque et romaine

Quand on lui fait observer que l’Europe d’aujourd’hui n’est pas seulement issue du christianisme, mais l’est aussi de l’Antiquité gréco-romaine et des Lumières, elle ne le conteste pas. La référence au christianisme, souligne-t-elle, ne saurait être exclusive. Mais pour elle la volonté de paix sur laquelle s’est bâtie la communauté européenne est issue de l’identité culturelle de l’Europe, elle-même liée aux valeurs chrétiennes – comme leur sont liés la démocratie et les droits de l’homme.

Peut-on concilier la référence à l"identité européenne et le respect des identités nationales ? Oui, dit-elle, on peut avoir des « identités emboîtées », à condition de construire une Europe vraiment fédérale, c’est-à-dire décentralisée, qui ne transfère à un gouvernement européen que les fonctions régaliennes (défense, politique extérieure, monnaie). Le reste doit demeurer de la compétence des Etats, au nom de la subsidiarité.

La place de l’Islam

Pourquoi certains rejettent-ils l’idée d’une identité de l’Europe ? Parce qu’ils ont honte de son histoire, affirme Chantal Delsol. « On peut être en colère contre ce qu’a fait l’Europe, précise-t-elle, mais il n’est pas possible de le rejeter. On ne peut pas rejeter l’existence de ses parents ». Pourtant, ceux qui refusent de parler d’identité européenne plaident pour une citoyenneté européenne : n’est-ce pas une façon de répondre au constat d’une culture commune ? Cette réponse, selon la philosophe, relève plus du « destin » de l’Europe que de ses « racines ». Et elle est trop juridique : « on ne peut pas tomber amoureux d’une Constitution ».

Quelle peut donc être la place de l’Islam dans une Europe chrétienne ? Pour Chantal Delsol, il convient de distinguer entre les musulmans qui vivent en Europe et ceux qui vivent à l’extérieur de ses frontières. Les premiers, dit-elle, sont « des hôtes dans un pays où sonnent les cloches » et ils doivent être respectés. Les seconds « n’ont pas leur place en Europe parce que leurs coutumes, leurs manières de voir sont très différentes des nôtres ».

 

L’entretien avec Chantal Delsol a été diffusé dans l’émission « Parcours européen » sur la radio Fréquence protestante, samedi 21 mai. On peut l’entendre sur le site de cette radio à l’adresse www.frequenceprotestante.com