Défense européenne : des progrès modestes

Pour Nicolas Sarkozy, le retour de la France dans les structures militaires de l’Alliance atlantique doit avoir pour contrepartie le développement d’une défense européenne autonome, qui permette à l’UE de s’affirmer, aux côtés des Etats-Unis et, le cas échéant, face à eux, comme un acteur majeur de la scène internationale. Le problème est que cette défense européenne, pour le moment, n’existe pas. Sa construction demeure embryonnaire et sa mise en place relève plus du domaine des promesses que de celui des réalités.

Nicolas Sarkozy a fait de l’Europe de la défense l’une des priorités de la présidence française de l’UE, au second semestre de 2008,en affichant sa volonté de relancer un projet à la recherche d’un second souffle, mais les avancées ont été modestes. Les Vingt-Sept sont apparus trop divisés sur la question pour aller au-delà de fragiles compromis. Certains pays, comme la Grande-Bretagne et la plupart des Etats d’Europe de l’Est, redoutent toute initiative qui viendrait à concurrencer l’Alliance atlantique, considérée comme l’instrument de leur défense, et mécontenter les Etats-Unis.

L’échec du projet de Communauté européenne de défense, en 1954, a fait oublier pendant quarante ans l’idée d’une défense européenne. Celle-ci refait surface avec le traité de Maastricht en 1992. A la même époque, les guerres de l’ex-Yougoslavie, en soulignant la faiblesse militaire de l’Europe, rendent plus forte la nécessité d’une défense commune. En 1996, l’OTAN accepte le principe d’une « identité européenne de sécurité et de défense ». En 1998, la France et la Grande-Bretagne s’entendent, à Saint-Malo, pour que l’UE se dote d’une capacité autonome de planification et d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles.

On croit l’Europe de la défense enfin sur les rails. Une cellule de planification et de conduite des opérations, ébauche d’un quartier général européen, est créée à Bruxelles. Une agence de défense est chargée de favoriser les synergies entre les industries de défense. L’UE se fixe l’objectif d’une force européenne de 60.000 hommes. Des opérations de gestion de crise sont lancées dans l’ex-Yougoslavie et plusieurs pays d’Afrique, sous la responsabilité du haut représentant de l’UE pour la politique extérieure et de sécurité commune, Javier Solana.

Mais l’élan va vite retomber, la guerre d’Irak accentuant les divisions entre les Etats membres. L’identité européenne de sécurité et de défense demeure lettre morte. Ni la cellule bruxelloise ni l’Agence de défense ne reçoivent les moyens nécessaires pour monter en puissance et répondre aux besoins qu’elles sont censées satisfaire. La force de 60.000 hommes est abandonnée au profit d’une série de « groupements tactiques » de 1500 hommes, jamais utilisés à ce jour. Les opérations conduites par l’UE continuent mais elles restent limitées : si l’Europe est présente sur le terrain, c’est le plus souvent dans le cadre de l’OTAN ou de l’ONU.

La présidence française de l’UE tente de remettre en marche le projet de défense commune. Elle choisit d’éviter les sujets qui fâchent, comme celle du quartier général européen, pour se concentrer d’une part sur les grands principes, d’autre part sur des initiatives concrètes. Au chapitre des grands principes, la stratégie européenne de sécurité, adoptée en 2003, est réactualisée pour tenir compte des nouvelles menaces telles que la prolifération des armes de destruction massive, les incertitudes de l’approvisionnement énergétique, la cybercriminalité, les conséquences du réchauffement climatique ou encore la piraterie maritime.

Au chapitre des programmes concrets, l’UE met l’accent, pendant cette période, sur le renforcement de ses capacités militaires : modernisation des flottes d’hélicoptères, amélioration du transport stratégique, augmentation de la coopération aéronavale, mise en place d’une formation commune sous la forme d’un « Erasmus » militaire, développement de l’observation spatiale, etc. Ces projets sont incontestablement utiles, mais ils sont d’une portée restreinte, d’autant plus que les budgets militaires de la plupart des pays européens sont trop faibles pour répondre aux ambitions de l’UE. Si l’Europe de la défense progresse, c’est décidément à pas très lents.