Deux attentats en deux jours de décembre à Volgograd s’ajoutant à un autre en octobre dans la même ville : le Caucase se rappelle tragiquement au souvenir des autorités de Moscou à moins de six semaines de l’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi. Ces JO devaient être un triomphe personnel pour Vladimir Poutine et une occasion de redorer l’image de la Russie. Ils risquent d’être ternis par des attentats commis par des djihadistes du Caucase du nord qui se sont soulevés contre la domination russe, ou par la répression qu’ils recherchent aussi pour impressionner les visiteurs étrangers, voire par le déploiement de forces qui devrait assurer la sécurité des JO. On parle de 50 000 policiers et militaires mobilisés à Sotchi et dans ses environs.
Dès son arrivée au pouvoir en 1999, favorisée par des attentats à Moscou et dans d’autres villes russes attribués à des Tchétchènes, Vladimir Poutine s’était engagé à rétablir l’ordre en Tchétchénie. Il a réussi au prix de milliers de victimes. Mais l‘insécurité s’est déplacée de la petite république sécessionniste autour de Grozny vers d’autres régions du Caucase nord, le Daghestan notamment. C’est dans ces montagnes que se cache Dokou Oumarov, qui rêve de créer un « émirat du Caucase ». Il serait à l’origine de plusieurs actions terroristes sur le territoire russe proprement dit et serait à la tête des petits groupes qui harcèlent les forces de l’ordre. Les affrontements ont fait 587 morts en 2012, plus que les attentats perpétrés en Irak au cours de la même année.
Même si l’insécurité semble depuis avoir baissé d’intensité à la suite de l’intensification de la répression, la situation est loin d’être stabilisée. L’activisme des islamistes a changé de forme. Des groupes informels sont de plus en plus actifs, voire des individus isolés et même ceux que les spécialistes appellent des « amateurs » qui n’ont aucun passé militant et qui sont souvent les auteurs d’une seule et unique action au cours de laquelle ils perdent la vie. La répression crée des vocations, comme celles des « veuves noires », ces femmes qui ont perdu un de leurs proches, un mari, un père ou un frère dans des accrochages avec les forces de l’ordre.
Vladimir Poutine a essayé de manier à la foi la carotte (l’alliance avec les chefs de clan traditionnels) et le bâton (le recours à la force armée) pour tenter de stabiliser la situation. Il n’y est pas parvenu. Les derniers mois lui avaient été particulièrement favorables, à la fois sur le plan diplomatique avec sa médiation dans l’affaire des armes chimiques syriennes, et sur le plan intérieur où il a réussi à phagocyter l’opposition mobilisée lors des élections législatives de 2011 et dans une moindre mesure lors de l’élection présidentielle de 2012, tout en se donnant le beau rôle avec la grâce accordée à Mikhaïl Khodorkovski et l’amnistie des Pussy Riot. Les attentats de Volgograd rappellent qu’il n’est pas le chef tout puissant qu’il prétend être, même si l’indignation face à ces actes terroristes aveugles soude autour de lui la majorité de l’opinion russe. Provisoirement.