Deux degrés de plus, un demi degré de trop ?

L’objectif affiché de la conférence de Copenhague est de limiter la hausse moyenne globale de la température à 2°C - et non de la faire baisser de 2°C, comme l’a récemment déclaré l’eurodéputée Rachida Dati. Le choix de cet objectif de 2°C tient au fait qu’il est difficile de prévoir, en l’état actuel de la science, les impacts qui surviendraient au-delà de cette augmentation de la température : le climat pourrait dès lors devenir potentiellement incontrôlable. L’objectif de 2°C est aussi, de l’avis de beaucoup, l’objectif le plus ambitieux que l’on peut raisonnablement envisager d’atteindre. A ce titre, l’objectif de 2°C est devenu l’objectif officiel des négociations, avec la bénédiction du Forum des Economies Majeures. Source : François Gemenne, sur http://blog.iddri.org/ (le blog des experts de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales, en direct de Copenhague).

Derrière cette unanimité de façade, pourtant, tous ne sont pas d’accord. Le 24 octobre dernier, une grande action de mobilisation citoyenne à l’échelon mondial (www.350.org) réclamait une stabilisation de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre à 350 parties par million (ppm), c’est-à-dire un objectif beaucoup plus ambitieux que celui qui est affiché aujourd’hui - 450 ppm - en lien avec l’objectif de 2°C. Depuis longtemps, l’AOSIS, l’Alliance des Petits Etats Insulaires, réclame que l’objectif retenu soit de 1,5°C et non de 2°C. Pour beaucoup de petites îles, 2°C, c’est déjà trop. Une telle augmentation de la température entraînerait comme conséquence une hausse moyenne du niveau des océans d’un mètre environ, et submergerait donc de nombreux territoires, rendus inhabitables.

Tuvalu, hier, a bruyamment tenté de faire valoir que l’objectif de 2°C condamnait de facto certains territoires. Cette revendication est une posture purement rhétorique : elle n’a aucune chance d’aboutir. Au vu des engagements actuels, il reste de la distance à parcourir pour atteindre l’objectif de 2°C. Dans le contexte actuel, l’objectif de 1,5°C est irréaliste. Mais les pays insulaires, soutenus par la société civile, tiennent à rappeler que c’est un demi degré de trop, ce qui est aussi pour eux un moyen de faire monter la pression en ce qui concerne le financement de stratégies d’adaptation qu’ils pourraient mettre en oeuvre. Car même en réduisant de moitié les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2050, comme le préconise le GIEC, les chances de limiter l’augmentation de la température à 2°C ne sont que de 50%. C’est-à-dire, au fond, que l’on joue à la roulette russe en laissant trois balles dans le barillet. Tuvalu l’a rappelé hier, et c’était sans doute utile.