Dialogue inter-libyen

Sur le chemin de l’Europe, la Libye est le maillon faible, qui autorise tous les trafics – d’armes, de drogue, de combattants, de réfugiés, voire d’esclaves – et rend possibles toutes les contrebandes. Les convulsions qui l’agitent ne nuisent pas seulement à sa stabilité, elles menacent celle de la région tout entière et font naître un climat d’insécurité dans l’ensemble de la zone. Le développement du terrorisme islamiste et le flux de migrants organisés par des passeurs sans scrupules sont aujourd’hui les deux grands symptômes de cet effondrement. La dislocation de l’Etat a créé un abcès aux effets délétères. Clans et tribus se partagent les dépouilles du colonel Kadhafi, contribuant à prolonger le chaos qui expose la Libye à toutes les aventures et à toutes les violences.

La communauté internationale porte une lourde responsabilité dans l’état de déliquescence où se trouve le pays. L’intervention militaire de 2011, dont la France de Nicolas Sarkozy fut l’un des principaux acteurs, et la mort du colonel Kadhafi, qui exerçait le pouvoir à Tripoli depuis plus de quarante ans, ont en effet plongé la Libye dans une crise profonde dont elle n’est toujours pas sortie. Les efforts des Nations unies pour parvenir à un règlement politique entre les diverses factions qui se battent pour le contrôle du pays ont jusqu’à présent échoué. La rivalité entre les deux hommes forts - le premier ministre Fayez al-Sarraj et le chef de l’armée Khalifa Haftar - qui tiennent l’un la Tripolitaine à l’Ouest, l’autre la Cyrénaïque à l’Est, n’a pas permis qu’émerge un pouvoir central capable d’imposer sa volonté.

Pour tenter, une nouvelle fois, de trouver une issue à la crise, les principaux acteurs du conflit se sont réunis, mardi 29 mai, à Paris, à l’initiative d’Emmanuel Macron. Ils ont été invités à dépasser leurs querelles personnelles pour donner enfin la parole au peuple. Le président français a lui-même parlé d’une « dette » de la communauté internationale à l’égard du peuple libyen pour s’être substituée en 2011 à sa souveraineté. Il a ajouté : « Le peuple libyen aspire à la sécurité et à la stabilité ». Le représentant de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, a affirmé à son tour qu’il était temps de « remettre les intérêts du peuple libyen en toute première ligne ». En application de ce principe, des élections – présidentielle et législatives - auront donc lieu en décembre. Quand les chefs ne parviennent pas à s’entendre, demandons au peuple de trancher.

Cet accord ne règle pas toutes les difficultés, loin s’en faut. La préparation de la « base constitutionnelle » et des lois électorales qui doivent précéder l’organisation des deux scrutins donnera lieu, selon toute probabilité, à de farouches empoignades. Mais au moins les différents protagonistes ont-ils engagé un travail en commun. Emmanuel Macron et Ghassan Salamé ont l’un et l’autre salué une rencontre « historique ». Le président français a parlé d’une « étape-clé pour la réconciliation ». Le premier ministre libyen, Fayez al-Sarraj, lui a fait écho en appelant toutes les parties au « dialogue ». En donnant le dernier mot à la démocratie, les acteurs du conflit ont fait un grand pas vers le rétablissement de la paix.